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vation. Dans leur audience de congé le cardinal de Vaudemont fit un dernier effort. Le saint-père répondit doucement : « Nous n’avons pas l’habitude de condamner les gens sans les avoir entendus. Il sera toujours temps d’en venir là. » Le cardinal ayant insisté, le pape le repoussa durement : « Nous vous avons dit, reprit-il, pourquoi nous ne pouvions pas faire telle chose; maintenant nous vous disons que nous ne voulons pas la faire. »

Cependant la chose se fit, et malgré un premier refus catégorique la résolution du pape fut vaincue. Croyant céder à une nécessité de la situation, il voulut du moins paraître agir d’après sa libre initiative de chef de l’église et non sous la pression des instances de la ligue ou de l’Espagne. « C’était, ajoute M. de Hübner, le premier acte du règne de Sixte-Quint relatif aux affaires de France, et cet acte était une faute qu’il ne tarda pas à regretter, qu’il se reprochera peut-être en secret, qu’il avouera même dans ses épanchemens intimes, tout en tâchant de s’excuser; mais à part cette faute, qu’expliquent son inexpérience et les influences qui l’entouraient à son avènement, il eut le mérite de comprendre, dès le premier jour, que la solution du problème posé en France devait se trouver ailleurs. » Quant à ce qu’on trouve écrit partout, à savoir qu’Henri IV[1] aurait fait afficher aux portes du Vatican même son acte d’appel comme d’abus au concile général contre la bulle privatoire : démarche hardie, dit-on, qui fit concevoir à Sixte-Quint de l’estime pour le roi de Navarre, c’est une histoire qui n’est appuyée d’aucun témoignage sérieux. Il suffit de lire le texte prétendu de la protestation, dans le journal de Lestoile, pour se convaincre qu’elle est apocryphe. L’habile Henri de Béarn faisait autrement ses affaires.

Il est un autre incident de cette époque, apprécié en général à contre-sens par les historiens qui n’ont pas sondé le fond des choses, et sur lequel M. de Hübner nous apporte d’intéressantes rectifications. Il s’agit du renvoi subit de l’ambassadeur de France à Rome peu de temps après l’avènement de Sixte-Quint. Voici la vérité à cet égard. Avant son élévation, le cardinal de Montalte avait eu d’étroites liaisons avec l’évêque de Nazareth, prélat de grande considération. Sixte-Quint voulut donner une marque de faveur à cet ancien ami, et fit l’ouverture à M. de Pisani, notre ministre à Rome, de nommer M. de Nazareth à la nonciature de Paris; cette communication, conforme aux usages diplomatiques, fut suivie d’une réponse approbative de M. de Pisani, qui, sans consulter sa cour, prit sur lui d’accepter pour son gouvernement le délégué cher au saint-père, et, confiant dans cette adhésion dont il ne pou-

  1. Le président Hénault, si exact d’habitude, a répété lui-même cette légende.