Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/763

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n’avait qu’une pensée au milieu de la déroute dont il avait sous les yeux le navrant spectacle : rallier ses soldats, défendre ses positions pied à pied, tenir tête à l’ennemi, et l’homme était fait heureusement pour ne point rester au-dessous de cette vigoureuse résolution.

C’était un vrai soldat, jeune encore, étranger à la politique, animé de patriotisme et de passion militaire. Depuis un mois à peine, il avait été rappelé d’Afrique, où il avait fait sa carrière et où il était encore général de brigade au commencement de la guerre. Dès son arrivée à l’armée de la Loire, on lui avait donné à commander une division du 16e corps, puis le 16e corps tout entier, et aussitôt il avait déployé les ressources d’un chef habile, la décision, le coup d’œil, l’esprit d’initiative, l’expérience militaire. Plein de fermeté devant tous les contre-temps comme devant le péril, le général Chanzy avait surtout un mérite : il ne manquait pas de confiance, il ne se laissait ni intimider ni déconcerter, et c’était assurément une qualité précieuse pour un capitaine dans un pareil moment. Entraîné dans la défaite commune après les derniers combats qu’il avait soutenus lui-même depuis quelques jours et après la chute d’Orléans, il n’avait pu préserver entièrement ses troupes de la contagion des paniques. Une de ses divisions, la dernière engagée, s’était précipitée en partie sur la route de Blois et ne s’était arrêtée qu’à Mer, d’où le général Barry faisait savoir que « les hommes ne pouvaient plus faire un pas en avant, » que c’était « une division à recomposer. » Les troupes de la division Maurandy avaient également souffert et avaient devancé le mouvement général de retraite sur Beaugency. Quant aux autres forces du 16e et du 17e corps, Chanzy les ramenait pas à pas, sans se décourager, et résolu à ne céder qu’à la dernière extrémité les positions défensives où il ne croyait point impossible de tenter encore la fortune des armes. Quelles étaient ces positions ? Le cabinet militaire de Tours s’est figuré avoir été l’inspirateur du général Chanzy dans ces heures critiques. Le fait est que Chanzy ne puisait qu’en lui-même ses inspirations, et que dès l’après-midi du 5 décembre il avait écrit à Tours : « Pour reconstituer les 16e et 17e corps, j’ai pris le parti de venir occuper aujourd’hui une ligne s’étendant de Lorges à Beaugency… Je tiendrai sur cette ligne jusqu’à ordre contraire… » C’était là le plan de Chanzy, c’était le terrain désigné pour l’instant comme la dernière limite du mouvement de retraite et comme le théâtre d’une tentative nouvelle de résistance.

Le terrain était d’ailleurs bien choisi. Dans ces plaines de la Beauce et du Blaisois qui s’étendent de la Loire au Loir, et qui offrent si peu de ressources défensives, la forêt de Marchenoir est