Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/768

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dans les aventures d’une périlleuse offensive, on les eût laissés libres de n’écouter que leur propre inspiration, d’attendre l’ennemi dans les positions qu’ils avaient préparées, où ils s’étaient fortifiés. Le général Chanzy se soutenait depuis quatre jours, dans des conditions bien moins favorables, précisément par la tactique qui aurait pu être suivie avec succès à Orléans, et opposait une redoutable et meurtrière défensive qui dans d’autres circonstances, s’il eût été secondé, aurait pu finir par un vigoureux et victorieux retour offensif. Malheureusement ce qui eût été possible à Orléans, quoique toujours difficile, devenait impossible huit jours après à Josnes ou à Marchenoir. Le général Chanzy était à bout de ressources ; en arrêtant et en épuisant l’ennemi, il s’épuisait lui-même, et d’heure en heure il voyait sa situation s’aggraver, l’orage grossir devant lui et autour de lui.

Le danger était sérieux en effet. Au premier moment, Chanzy, comme beaucoup de chefs militaires toujours portés à s’exagérer les forces qu’ils ont devant eux, croyait avoir sur les bras l’armée entière du prince Frédéric-Charles. C’était une erreur encore le 7 et le 8. Ce n’est qu’en apprenant ces deux journées de combats que le quartier-général de Versailles commençait à s’inquiéter de voir le grand-duc de Mecklembourg ainsi arrêté dans sa marche, et donnait immédiatement au prince Frédéric-Charles l’ordre de reprendre la direction supérieure des opérations sur la Loire, qui lui avait été un instant retirée. Alors seulement le prince Frédéric-Charles rappelait à lui le IIIe corps prussien qu’il avait expédié vers Gien et Briare ; il jetait sur la rive gauche de la Loire le IXe corps, qui, avec la division hessoise et la cavalerie, devait pousser jusqu’en face de Blois, au-delà s’il le fallait, et lui-même, prenant le Xe corps, qu’il avait gardé à Orléans, il se portait sur Beaugency à l’appui du grand-duc. Les premiers détachemens de l’artillerie du Xe corps arrivaient juste pour se mêler à l’action de l’après-midi du 9, et le lendemain le corps tout entier commençait à entrer en ligne. A partir de ce moment, les divisions de Mecklembourg, si vigoureusement tenues en échec jusque-là, n’étaient plus seules, l’armée allemande se trouvait augmentée, fortifiée de troupes aguerries et reposées. L’arrivée sur le terrain du prince Frédéric-Charles, à laquelle l’intrépide commandant de la deuxième armée avait cru trop tôt, et qu’il avait du reste provoquée par son indomptable résistance, cette arrivée changeait étrangement les conditions de la lutte. Une autre circonstance toute fortuite, dont le général Chanzy ne se doutait pas, servait avec un malheureux à-propos les chefs prussiens, ne fût-ce qu’en leur révélant ce qui restait toujours obscur pour eux. Dans la nuit du 9 au 10, les Allemands interceptaient