Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/772

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se couvrait jusque-là, exposée désormais à être tournée, était réduite à se retirer à travers des plaines où elle ne pouvait pas même dissimuler sa marche, où elle n’allait plus trouver jusqu’au Loir une seule position défensive.

Chanzy avait tout à la fois à tromper par son attitude et par ses démonstrations l’adversaire qu’il avait devant lui, à se tenir en garde du côté de la Loire, qu’il abandonnait, et à se prémunir contre un mouvement de l’ennemi, qui, en dépassant par le nord la forêt de Marchenoir, pouvait aller le devancer sur la route d’Orléans au Mans. Il fallait autant de dextérité que d’énergie pour se tirer d’affaire. Heureusement, selon l’aveu du major Blume, les Allemands en avaient assez, eux aussi, après ces dix journées, durant lesquelles « ils avaient lutté sans relâche, combattant depuis le point du jour jusqu’au coucher du soleil et passant les nuits aux avant-postes, presque toujours à portée de fusil de l’ennemi. » Ils étaient fatigués, ils cherchaient un moment de repos, et Chanzy avait si habilement pris ses dispositions qu’il se dérobait devant eux ; un instant, au camp prussien on ne savait pas ce qu’il était devenu. Trois jours après, il était sur le Loir, ayant eu à faire les marches les plus pénibles de la campagne, par un temps affreux, sous des pluies torrentielles, à travers des chemins où hommes et chevaux avaient de la peine à se tenir debout. Ce n’est que dans la nuit du 11 au 12 que les Allemands apprenaient avec quelque précision le mouvement de Chanzy, et alors ils se mettaient à sa poursuite. Le grand-duc de Mecklembourg était chargé de gagner, par le nord de la forêt de Marchenoir, Morée et Fréteval, dans cette partie supérieure du Loir, tandis que le prince Frédéric-Charles, appelant le IIIe corps prussien, qui venait d’arriver à Orléans, ralliant le IXe et le Xe corps, se portait lui-même directement sur Vendôme.

Le choix de Vendôme et de la ligne du Loir s’expliquait tout naturellement de la part du général Chanzy. C’était une retraite sans aucun doute, mais c’était une retraite qui gardait le caractère d’une opération de guerre calculée avec autant d’habileté que de prévoyance. Par là le commandant de la deuxième armée menaçait les Allemands, s’ils se laissaient aller à s’enfoncer trop avant vers le sud, il restait à portée de Paris, prêt à saisir l’occasion, s’il y avait quelque effort prochain à renouveler, — et à la dernière extrémité il avait sa retraite ouverte vers le Mans. Certes, même à cette heure où il n’était plus déjà sur la Loire, il eût été bien servi encore par cette diversion qu’il demandait sur la rive gauche, et il ne se bornait pas à insister sur la nécessité d’une diversion, il se plaignait qu’on perdît la tête à Tours, qu’on se hâtât de tout déménager, lorsqu’il était de la dernière importance que les services militaires, le