Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/773

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chemin de fer, le télégraphe restassent organisés ; « je ne m’explique pas la panique de Tours, » écrivait-il. M. Gambetta croyait avoir tout dit en rejetant sur les chefs militaires qu’il avait frappés la faute de la désorganisation des corps de Bourbaki, et en flattant Chanzy, en lui écrivant : « Vous avez fait des prodiges depuis quinze jours pour vous suffire à vous-même ; continuez à tenir en échec des forces bien supérieures. » Le général Chanzy devait trouver assez prétentieusement futiles et fort peu décisives ces banales flatteries terminées par un si étrange encouragement à la persévérance. Il n’avait pas besoin qu’on lui dît de tenir, il n’était pas homme à se payer de mots. Pourrait-il tenir ? C’était là la question. Il ne demandait pas mieux, il espérait encore pouvoir disputer le terrain, et il prenait ses dispositions en conséquence.

Sans doute la ligne du Loir, vallée étroite et bordée de mamelons assez élevés, offrait de précieux moyens de défense. Sans doute aussi Vendôme était un point important à garder, puisque c’était en quelque sorte un nœud de communications, de routes allant d’Angers à Châteaudun, de Blois au Mans par Saint-Calais, de Tours à Chartres par Château-Renault, Cloyes et Bonneval, sans parler du chemin de fur qui relie Tours à Paris par Châteaudun et Dourdan. Le général Chanzy le savait bien lorsqu’il avait pris cette direction. Cependant, si Vendôme était un point stratégique utile à conserver, c’était aussi une position difficile à défendre contre une attaque venant de Blois, parce que la ville, placée en partie sur la rive gauche du Loir, est dominée par des hauteurs que l’artillerie ne peut protéger efficacement des hauteurs opposées de la rive droite. Si on porte la défense sur le plateau même de la rive gauche, alors on est exposé, en cas de retraite, à se replier par des rampes dangereuses, à travers les rues étroites de la ville, en ayant à passer les ponts jetés sur les deux bras de la rivière. D’un autre côté, le général Chanzy ne pouvait se méprendre sur l’état moral des troupes auxquelles il avait à demander un nouvel effort. La retraite qu’il venait de faire s’était accomplie aussi bien que possible, c’est-à-dire sans désastre, dans les conditions les plus difficiles, les plus cruelles ; mais enfin cette malheureuse armée, aux prises avec l’ennemi depuis le 1er décembre, éprouvée par le feu, par les fatigues, par les privations, par les marches les plus pénibles, cette armée restait profondément atteinte ; elle était à cette heure de détente dangereuse qui suit les efforts violens. Les traînards, encombrant les chemins ou dispersés dans les fermes isolées, se laissaient prendre sans résistance pour ne pas continuer la campagne, et ils allaient ainsi grossir ces listes de prisonniers dont les Allemands se faisaient des trophées. Nombre de soldats et même d’officiers ne