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témoignage de l’étonnement général : elle demeurait dupe de tous ceux qu’elle avait voulu jouer.

Le discrédit et l’impopularité de la maison royale atteignait le roi de Navarre lui-même, qui n’avait pas laissé de tirer d’abord grand avantage de son union avec Marguerite de Valois, mais sur la personne duquel rejaillirent pourtant les déportemens inconsidérés de la sœur d’Henri III. La supériorité de son esprit et l’excellence de sa cause ont pu seules le sauver à cet égard de la défaveur publique attachée à la race régnante qui mettait la France au ban de l’opinion et qui la noyait dans les ruines : les manifestes de la ligue attaquaient les Capétiens en masse, et non les Valois seulement[1]. Il s’en fallait de beaucoup alors que l’éclat de la légitimité des Bourbons fût aussi resplendissant qu’il apparut depuis. Leur droit d’héritier légitime de la couronne était effacé par la qualité d’hérétique, et l’on ne voulait pas même de leur conversion à la vraie foi. C’était le sang qu’on excluait; il fallait donc, à vrai dire, conquérir le droit, et Henri IV l’a conquis, c’est là sa gloire ineffaçable devant la postérité. S’il n’eût été qu’un simple héritier, il n’eût jamais porté la couronne. C’est par le droit de l’épée et de l’esprit, autant que par le droit du sang, qu’il a forcé les obstacles et fait sa place sur le grand trône de France. Son droit de succession était fort disputé. La maison de Bourbon-Vendôme était sans doute issue de Robert, comte de Clermont, sixième fils de saint Louis, mais elle était séparée de Henri de Valois par vingt et une générations, et du trône par un espace de trois cents ans. La maison de Courtenai, dont l’origine royale n’était pas moins certaine, a vu son droit du sang périmé par le temps, et vainement elle a réclamé son rang soit auprès des parlemens, soit auprès de la cour. D’après le droit civil, Henri de Navarre n’aurait eu aucun droit à l’héritage privé d’Henri III par proximité de lignage, et, quant au droit politique, il paraissait altéré par la rébellion du connétable, dont la condamnation rejaillissait sur sa race, et par les décrets d’Henri II, qui avaient privé Antoine de Bourbon de ses prérogatives de prince du sang, au bénéfice de Claude II de Guise, qui était d’ailleurs le plus proche parent du roi par les femmes. Pourquoi les Bourbons seraient-ils affranchis de la loi qu’avaient subie les Courtenai? Ainsi parlaient les ennemis; la péremption et la déchéance écartaient, disait-on, Henri de Navarre. Le caractère personnel du prince, en ce temps où tout était mis en question, fut aussi l’objet des attaques. Son père était homme d’esprit et bonne lame, mais léger, inconsistant et de foi douteuse. Il en

  1. Voyez l’ouvrage de M. de Croze, t. Ier, p. 235. « La race des Capétiens » était réprouvée, disaient les manifestes, et l’on demandait la convocation des états-généraux pour faire « le procès des princes capétiens. « Le délire allait jusqu’à invoquer l’exemple de l’immolation de don Carlos.