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vages, et les médecins préposés à la surveillance de l’Hedjaz furent invités à transmettre en Égypte des rapports sur la condition sanitaire des pèlerins. Les cérémonies eurent lieu sans que le choléra fît son apparition ordinaire, et l’on crut un moment pouvoir autoriser les navires chargés de pèlerins à se rendre directement à Suez. Un premier départ allait avoir lieu quand l’épidémie se déclarait à La Mecque. Un courrier apporta aussitôt à Djeddah l’ordre de délivrer patente brute aux navires et d’envoyer ceux-ci à El-Wedj. On imagine facilement la déception des agens d’embarquement et des capitaines. Aussi plusieurs de ces derniers déclarèrent qu’ils n’en iraient pas moins tout droit à Suez. L’énergie des médecins ne parvint qu’à grand’peine à les en empêcher. En même temps, ce réveil du choléra à La Mecque produisit une si grande panique parmi les pèlerins que ceux-ci quittèrent la ville au plus vite, de façon à rendre impraticable l’échelonnement des départs. Quoi qu’il en fût, le lazaret d’El-Wedj remplit convenablement son office, grâce à l’intelligence et au dévoûment des médecins, et le choléra ne pénétra point en Égypte.

Si dans certains cas le système des quarantaines par mer est efficace, la plupart du temps il ne fournit pas aux gouvernemens le moyen d’intercepter sûrement le choléra. Voici un nouvel exemple, qui est des plus instructifs et par lequel nous terminerons ces remarques sur la prophylaxie internationale du fléau asiatique.

Jusqu’au mois de mai 1856, la quarantaine était obligatoire et générale pour les personnes qui arrivaient par mer en Russie. Tous les passagers sans exception étaient soumis à une inspection sanitaire et à un internement de dix à vingt jours. Un vigneron français établi en Crimée racontait dernièrement à M. de Valcourt qu’en arrivant à Odessa en 1848, on le fit débarquer avec sa famille et les autres voyageurs sur le quai à dix heures du matin, puis on retira la planche qui avait servi de communication entre le navire et la terre. Les passagers, surveillés par les soldats de la quarantaine, durent rester sans manger ni boire, au grand soleil, jusqu’à quatre heures de l’après-midi. Enfin, entourés par une haie de factionnaires, ils furent conduits à la salle d’inspection. Là, un médecin les interrogea et les fît complètement déshabiller. On leur remit ensuite une chemise grossière et une capote de soldat russe. Leurs vêtemens ne leur furent rendus, après purification, que vingt-quatre heures plus tard. L’internement dura quinze jours, quoiqu’il n’y eût aucune épidémie ni en Russie, ni dans aucun des ports auxquels le navire avait abordé. En 1856, ces rigueurs furent supprimées. On les rétablit par la suite en les adoucissant quelque peu. Aujourd’hui, comme le choléra règne à Odessa, la quarantaine fonctionne et occupe un nombreux personnel. Or M. de Val-