opération, et naturellement elle n’a pas laissé échapper l’occasion. Elle a demandé sur-le-champ une discussion complète sur la question de dissolution. C’est aujourd’hui même que se livre à Versailles ce combat nouveau. Quel que soit le vote, il est bien clair que l’existence de l’assemblée ne tient pas à des pétitions ou à un coup de scrutin. C’est l’assemblée elle-même qui par ses œuvres peut retarder ou hâter la dissolution. Elle peut retarder la dissolution en mettant fin aux discussions irritantes, en revenant aux affaires sérieuses ; elle peut la précipiter au contraire en offrant le spectacle d’une division persistante, d’une assemblée coupée en deux. Alors le pays seul pourrait évidemment prononcer, et ce serait l’assemblée elle-même qui aurait préparé la crise où elle disparaissait.
Depuis que l’Autriche est entrée dans la voie libérale et constitutionnelle avec son dualisme un peu compliqué, ses ministères superposés et ses représentations diverses, elle a ce qu’on pourrait appeler une double vie parlementaire se déroulant à la fois à Vienne et à Pesth. La Cisleithanie a ses élections, ses discussions laborieuses ou passionnées, ses conflits de pouvoirs, de partis et de races ; la Hongrie a ses luttes parlementaires, ses crises ministérielles. Depuis quelques jours, à Pesth, il y a eu toute une succession d’accidens et de péripéties qui ont fini par la chute d’un cabinet ou du moins d’un président du conseil, au milieu d’une assez étrange mêlée des partis. L’imbroglio a été complet, et le chef du ministère hongrois, le comte Lonyay, a été la seule victime de cette confusion d’un moment. Par une singulière anomalie, ce sont ses amis qui l’ont laissé tomber sous les coups de leurs adversaires communs, et, par une bizarrerie de plus, son parti semble occupé aujourd’hui à panser les blessures de celui qu’il a livré aux antipathies de l’opposition.
C’est peut-être un peu compliqué, et sans doute bien des questions personnelles se cachent sous ces accidens parlementaires qui viennent de se produire à Pesth. Le comte Lonyay est avec M. Deak, avec le comte Andrassy, un de ceux qui ont été le plus activement mêlés à toutes les luttes hongroises dans ces vingt dernières années, et c’est de plus un des trois ou quatre hommes supérieurs qui se sont révélés dans la politique depuis que la Hongrie a patiemment et habilement reconquis cette quasi-indépendance pour laquelle elle a si longtemps combattu. Caractère ferme et passant même pour inflexible, esprit froid, instruit et pratique, ayant une grande situation par sa naissance et par sa fortune, une des plus considérables de la Hongrie, bien vu de l’empereur François-Joseph, le comte Lonyay se trouvait déjà dans le ministère lorsque le comte Andrassy passait l’an dernier au poste de chancelier de l’empire, à la place de M. de Beust. Il se trouvait naturellement désigné pour succéder à son brillant collègue comme président du cabinet hongrois. Il représentait la même politique, il s’appuyait sur les mêmes amis dans le parlement, il avait les mêmes adversaires ; il était en un