progrès de la culture hellénique les artistes évitèrent ces sortes de sujets. Les mœurs s’adoucirent, les scènes funèbres devinrent plus calmes et prirent même ce haut caractère de résignation mélancolique qui a inspiré de si belles œuvres attiques. Chez les Grecs modernes, surtout dans les villes, on ne retrouve plus que la trace affaiblie de la cérémonie première, des pleureuses gagées et quelques démonstrations de douleur théâtrale. Les hommes du Ve siècle et ceux de l’âge antérieur se rapprochaient tout à fait des Albanais.
L’usage d’offrir au mort, le jour des funérailles et plus tard à des époques fixes, du blé, des raisins, des grenades et du vin est l’un des plus étranges que nous rencontrions aujourd’hui dans la péninsule du Balkan. Ce banquet funèbre ne doit pas être confondu avec les repas qu’on célèbre à l’occasion des funérailles, et qui sont une manière de ne pas laisser partir à jeun des gens qui sont venus de loin. Le propre de ce banquet, c’est que la nourriture est offerte au défunt, qu’elle doit refaire ses forces, qu’elle lui est nécessaire, parce que dans le tombeau il garde encore les appétits et les exigences de la vie terrestre. Son ombre réelle et tangible perdrait le peu de consistance et de force qui lui restent, si ces alimens lui manquaient. Cette croyance très précise, et qui pour nous a peu de sens, est aussi ancienne que la race grecque. On la retrouve dans Homère : aux beaux siècles, les poètes n’en parlent que très peu, mais on voit bien qu’elle subsiste, que cette pratique ne règle pas la religion, que les jours où elle doit s’accomplir sont fixés avec soin. Elle inspire du reste une riche suite de bas-reliefs. Le christianisme la combat, mais ne peut la détruire : un usage tout païen, défendu durant huit siècles par l’église d’Orient, entre enfin dans les cérémonies de cette église, qui cherche à la sanctifier sans y parvenir ; aujourd’hui c’est le prêtre lui-même qui le célèbre. Les Grecs ont donné le banquet aux Slaves ; mais ce peuple, dès qu’il est arrivé à une culture intellectuelle quelque peu sérieuse, en a modifié l’esprit : il en a fait une distribution de charité dont le mérite doit profiter au défunt. Les anciens Romains n’ont pas non plus conservé longtemps le banquet tel que les Grecs le célébraient ; les Occidentaux ne l’ont accepté que par hasard et pour pou d’années. Nous ignorons le sens que les Étrusques et les Égyptiens y attachaient ; ce que nous savons bien, c’est que les védas en donnent les règles et l’expliquent comme font aujourd’hui les chansons populaires de l’Hellade. Cet usage vit encore en Albanie, où il est scrupuleusement observé ; il a pour ce peuple le sens qu’il avait pour les contemporains d’Homère.
Un Albanais italien, M. Dorsa, qui a écrit récemment une étude sur ses compatriotes, croit que leurs mœurs sont celles des anciens