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imposent au développement naturel et idéal des caractères ; elle admet que les événemens sont le résultat de l’action de ces circonstances sur un développement régulier qu’elles entravent, activent, dont elles changent la direction. Nous en sommes encore, — on ne peut le nier, — aux origines de cette science ; mais les principes qu’elle établit ou plutôt qu’elle emprunte à la plus haute philosophie grecque s’imposent de plus en plus à l’historien. Les qualités de race, d’intuition, que possèdent à un plus haut degré que les Anglais d’autres peuples, le sens poétique indispensable dans ces études, où il faut imaginer, restituer la vie du passé, pour la voir plus encore que pour la comprendre, permettront à ces principes de donner tout ce qu’ils peuvent produire. Les difficultés seront grandes, car le jeu des causes forme un réseau où mille fils s’enlacent, se perdent, reparaissent pour se perdre encore. Les études historiques cependant se constitueront sur la base de l’observation positive, et ceux-là mêmes qui les soupçonnent aujourd’hui de fatalisme reconnaîtront que, constatant tout d’abord comme des faits qu’elles retrouvent partout et toujours les sentimens de haute morale dont vit l’humanité, elles sont l’hommage le plus haut et le moins chimérique qui puisse être rendu à la dignité de notre nature. Aux premiers chapitres de ces études, le peuple si obscur, qui conserve la plus complète image de ce que furent les pères de la race grecque et latine, méritera toujours l’attention de l’historien ; il restera comme le témoin vivant d’un passé que l’on croit trop souvent disparu. Que si sur les origines la science doit rester longtemps incertaine, elle dira du moins que nulle nation d’Europe n’a des mœurs plus anciennes ; elle expliquera ainsi comment l’étonnement de ceux qui commencèrent à étudier en véritables savans ces clans de montagnes put croire qu’ils étaient les restes de cette race mystérieuse des Pélasges que nous retrouvons à la naissance des deux plus belles civilisations du vieux monde, les premiers-nés de la nature, les enfans que créèrent d’abord, dès que les ténèbres du chaos se furent dissipées, les plus vénérables des divinités antiques, la Mer et le Firmament.


ALBERT DUMONT.