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depuis deux ans qu’une trêve souvent agitée, quoique volontairement acceptée ?

Et d’abord on a l’avantage d’entrer dans cette voie avec un esprit éclairé par une longue et cruelle expérience. On sait désormais ce que valent ces constitutions écrites qui ont la prétention de tout résumer en quelques articles et de fixer irrévocablement l’avenir. La France a eu depuis quatre-vingts ans une douzaine de constitutions de toutes les couleurs, de toutes les nuances, de toutes les dimensions, constitutions impériales, royales, consulaires, républicaines, despotiques, libérales. Qu’en est-il resté ? Elles ont disparu comme elles étaient venues, dans un coup de vent. Elles forment aujourd’hui une assez curieuse collection pour ceux qui veulent faire des études rétrospectives sur le droit politique. Où donc est aujourd’hui la nécessité de recommencer cette histoire ? La vraie constitution de la France est dans nos mœurs, dans nos institutions civiles et sociales. Le reste n’est que l’organisation d’un mécanisme de gouvernement adapté au principe de la souveraineté nationale, et qu’est-ce qui empêche de coordonner ce mécanisme en débrouillant un peu la confusion où l’on se débat depuis près de deux ans ? On sent bien que le moment approche où ces questions s’imposeront, déjà des projets de toute sorte se préparent ; en définitive, ils tournent autour de deux ou trois idées. La présidence, telle qu’elle existe, a besoin évidemment d’être modifiée. On est allé au plus pressé, on a remis le pouvoir entre les mains de l’homme que tout désignait à la confiance publique, dont l’expérience, le patriotisme, la fertile activité, étaient des garanties pour la France. On l’a nommé chef du pouvoir exécutif, président de la république ; mais cette présidence est en quelque sorte une situation personnelle, une prééminence consulaire plutôt qu’une autorité définie : elle n’a aucune durée précise, et à la rigueur, d’après la loi Rivet, elle devrait disparaître avec la chambre dont elle est l’émanation, de telle sorte que le pays pourrait se trouver un jour sans assemblée et sans gouvernement. Voilà le fait. On a parlé de décerner la présidence à vie à M. Thiers. Cette idée, on peut l’assurer, ne vient point de M. le président de la république, et elle ne lui sourit nullement malgré tout ce qu’elle peut avoir de flatteur. Elle ne remédierait à rien, et elle risquerait de créer des confusions qui ne seraient peut-être pas sans danger. Ce qu’il y aurait de plus simple sans doute, ce serait de donner à la présidence une durée de quatre ans avec faculté de réélection, et de compléter l’institution présidentielle par une vice-présidence qui écarterait d’avance tout péril d’interrègne et de crise en cas d’accident. Dans quelles conditions pourrait-on établir cette vice-présidence ? Celui qui l’exercera sera-t-il élu expressément par la chambre, ou bien le président même de l’assemblée restera-t-il chargé de prendre éventuellement le pouvoir exécutif ? Ces questions peuvent avoir quelques côtés