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pays, rien n’est plus évident. Ce mal ne date ni d’aujourd’hui ni d’hier, il remonte bien plus haut, il tient à bien des causes générales sans doute. Le fait est que peu à peu, sous une multitude d’influences, l’aptitude même au travail semble s’être affaiblie, et qu’il s’est formé par degrés une jeunesse impatiente et promptement fatiguée, n’ayant plus que des connaissances vagues et superficielles, perdant avec les habitudes de la discipline le sens et le goût des fortes études. Tout est dans l’apparence ; on a un vernis d’éducation, un semblant de culture, un à-peu-près de toute chose, avec le dégoût de ce qui fait justement la force de l’esprit, la méthode et la précision. Disons le mot : depuis longtemps, on a pratiqué l’enseignement un peu comme tout le reste, avec un certain abandon, avec de la complaisance pour toutes les faiblesses, en se gênant le moins possible, en sacrifiant l’intégrité de l’éducation publique, de la véritable instruction, tantôt à des fantaisies, tantôt à de prétendues innovations qui étaient des chimères quand elles n’étaient pas des dangers. Les enfans n’ont pas demandé mieux que de sentir se relâcher la sévère discipline de l’étude, les parens y ont aidé, les maîtres n’ont pas toujours assez résisté ; le résultat a été funeste. Voilà le mal qui est allé en s’aggravant d’année en année et auquel il faut remédier aujourd’hui, si l’on veut préparer des générations plus viriles, mieux armées de force morale, d’instruction et de savoir. La circulaire de M. Jules Simon, nous nous hâtons de le dire, est semée de bonnes intentions, et parmi toutes ces bonnes intentions la meilleure, la plus sage, est de ne vouloir procéder que par des améliorations successives, d’éviter les expériences précipitées et hasardeuses. L’essentiel en effet est de s’appuyer sur une étude attentive des faits, de ne rien brusquer, « d’agir à coup sûr, » selon le mot de la circulaire, comme aussi la première condition est de ne point se faire illusion, de ne pas prendre pour un système d’innovations graduées et réparatrices ce qui ne serait peut-être ni bien nouveau, ni même en rapport avec le mal qu’on veut guérir.

Quelle sera la portée pratique du programme de M. Jules Simon ? La pensée qui a inspiré ce programme aura-t-elle tous les résultats qu’en attend celui qui l’a écrit ? Allons droit au fait essentiel. Que M. le ministre de l’instruction publique recommande aux professeurs de se réunir périodiquement, de mettre en commun leurs lumières et leur expérience pour préparer par leurs délibérations les réformes qui pourront être accomplies, c’est là certainement une mesure aussi libérale qu’intelligente. Ces maîtres, occupés chaque jour à façonner la jeunesse, peuvent dire souvent le mot le plus juste, le plus décisif sur une méthode, sur un système d’enseignement. Les consulter, les appeler à donner leur avis, c’est s’assurer un concours précieux. Rien de plus prévoyant et de mieux entendu assurément que toutes les précautions minutieuses de