que l’imprudence du comte Jules Andrassy exposait aux dernières catastrophes. On a remarqué à Berlin, parait-il, que M. de Bismarck, pendant le congrès impérial, se tenait volontiers à l’écart, dans une attitude presque chagrine, et comme s’il assistait à un spectacle qui ne le regardait pas.
À ces renseignemens d’un homme très initié aux choses de l’Autriche, j’ajoute une remarque fort curieuse : précisément à l’heure où se terminait l’épisode : que nous venons de raconter, vers les derniers jours du mois d’août, les journaux officiels et officieux de l’empire d’Allemagne opérèrent tout à coup une volte-face qui semble confirmer notre récit. Jusque-là, ces journaux ne s’occupaient en rien de la France ; ce n’est pas de la France qu’il pouvait être question à propos de l’entrevue des empereurs, la France avait reçu l’assurance officielle des sentimens pacifiques qui animaient les souverains du nord, et, comme elle a besoin de paix avant tout, elle se trouvait hors de cause. Le congrès de Berlin n’avait pas à s’occuper d’elle, elle n’avait pas à s’inquiéter du congrès de Berlin. Telle était la situation, tel était le mot d’ordre, lorsque tout à coup ces mêmes journaux commencèrent une campagne contre la France. On s’inquiétait de voir ses finances se relever, ses forces militaires se réorganiser ; on lui demandait compte de cette reprise énergique, on voulait savoir dans quelle vue elle augmentait son armée. Là-dessus certains publicistes prenaient feu, et aux interrogations curieuses succédaient les dénonciations hostiles. Que signifiait ce tapage ? Assurément le succès de l’emprunt avait bien pu irriter ces passions allemandes, toujours prêtes à se déchaîner contre nous ; mais ici l’explication ne suffit pas. Il y avait déjà plusieurs semaines que le résultat prodigieux de l’emprunt avait été examiné, discuté, commenté dans tous les sens par la presse des deux mondes, lorsque se produisit chez les journaux de l’empire d’Allemagne le revirement subit dont nous parlons. De très bons esprits en ont conclu que ces colères soudaines étaient des colères factices, qu’elles tenaient à une cause qu’on ne pouvait avouer, et cette cause à leur avis, n’était la nécessité pour M. de Bismarck de masquer l’échec de son plan de campagne. « Nous ayons essayé, se disait-on, de nouer une alliance avec l’Autriche pour faire la guerre à la Russie ; nous avons échoué. L’empereur de Russie assistera au congrès où devaient être prises les résolutions qui le concernent. Hâtons-nous d’attacher à l’entrevue des trois empereurs une signification toute spéciale. Faisons croire qu’il s’agit de maintenir l’ordre européen contre la France, soit que la France ait l’intention de se dégager par les armes du traité qu’elle subit, soit qu’elle n’ait pas la force de dominer la ; démagogie qui la menace. En Allemagne et en Europe, beaucoup de gens vont crier à la sainte-alliance. Les libéraux de