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Barberousse. Il semble même qu’elle y ait pris goût, comme si elle réservait ainsi les chances de l’avenir. En 1848, au moment où fut convoqué le parlement de Francfort chargé de constituer l’unité de l’Allemagne, les députés viennois voulaient absolument rapporter à la vieille ville impériale le trésor du vieil empire. M. le comte de Fickelmont, ministre des affaires étrangères, et son altesse l’archiduc Jean, déjà désigné pour les fonctions de lieutenant de l’empire, en attendant le vote du parlement, eurent toutes les peines du monde à contenir les représentans autrichiens, férus de cette magnifique idée. Enfin, après cette guerre de 1866 qui a exclu l’Autriche de l’Allemagne, il était clair que l’Autriche n’avait plus ni droit ni titre qui l’autorisât à garder le trésor de l’empire germanique. Elle le garda pourtant sans que personne réclamât. Bref, il semblait que ce fût là une question abandonnée, lorsque tout à coup, au mois d’août 1872, les impériaux de Berlin prirent feu pour la revendication des insignes.

Il faut résumer la querelle en peu de mots. Une dépêche télégraphique, envoyée de Prusse aux journaux de Vienne, annonça un beau jour que l’empereur François-Joseph, en se rendant à Berlin, remettrait lui-même à l’empereur Guillaume les précieux objets dont le dépôt ne pouvait plus rester entre les mains de l’Autriche. Ceux qui donnaient la nouvelle de cette résolution en faisaient honneur, bien entendu, au bon goût de l’empereur François-Joseph. L’insinuation n’eut point de succès ; la nouvelle fut immédiatement démentie. Là-dessus, vifs débats dans les journaux de Berlin, contestation du droit de l’Autriche, appel au gouvernement de l’empire. La Correspondance provinciale, organe de M. de Bismarck, trouve ce zèle déplacé, et fait savoir d’un ton bref que la nouvelle dynastie impériale n’attache aucune importance à la possession de ces insignes. La discussion continue plus vive, plus pressante ; des brochures viennent seconder les journaux. M. le comte Stillfried publie un travail intitulé les Attributs du nouvel empire d’Allemagne, où la question est étudiée sous toutes ses faces. Évidemment l’Autriche a tort. Est-ce une raison pour faire de cela une difficulté au moment où l’empereur François-Joseph accepte l’invitation de l’empereur Guillaume ? « Non, certes, — répond la Correspondance provinciale, s’appuyant sur l’étude du comte Stillfried, — non, certes, lorsque l’empereur Guillaume, dans un de ses discours, a dit que la dignité impériale, après une interruption de soixante ans, était restaurée en Allemagne, il n’a pas voulu dire que le nouvel empire d’Allemagne était la continuation du saint-empire romain de la nation allemande. » Il est difficile de ne pas voir ici un avertissement de M. de Bismarck à son auguste maître ; il explique, il corrige les imprudentes paroles de