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jeunesse de nos écoles pourrait-elle rester absolument étrangère au mouvement de faits et d’idées qui entraîne : le monde autour d’elle, et où elle doit trouver sa place à son tour ? Les sciences par exemple, considérées pendant longtemps comme un exercice tout à fait spécial, sont devenues aujourd’hui un élément nécessaire de la culture générale. Comment admettre ce préjugé, qu’on puisse être un esprit cultivé sans rien savoir du système du monde et des admirables découvertes qui ont été faites dans les sciences depuis deux siècles ? Sans doute, il faut beaucoup compter sur la lecture et sur l’étude personnelle ; mais ces études personnelles sont impossibles sans une préparation précise et sans une solide instruction élémentaire.

De même l’histoire est aujourd’hui une étude d’une absolue nécessité : ce n’est pas seulement parce que l’esprit historique est l’un des traits caractéristiques de notre siècle, c’est encore, c’est surtout parce qu’un pays politique ne peut ignorer l’histoire, Sous le régime du pouvoir absolu, l’histoire est inutile et dangereuse ; on remarquera qu’au XVIIIe siècle, dans nos écrivains classiques, rien n’est plus rare qu’une allusion aux événemens et aux noms de l’histoire nationale ; mais aussitôt qu’il existe des institutions, que les sujets sont devenus des citoyens, l’histoire du pays et celle de ses voisins est une partie indispensable du patriotisme. Comment comprendre quelque chose à la politique de son temps sans connaître les événemens qui ont précédé et amené les temps où nous sommes ? Enfin l’histoire est particulièrement en France une nécessité de premier ordre, un contre-poids de l’esprit excessif de généralisation et de philosophie qui nous caractérise, et qui nous pousse au radicalisme.

D’autres faits et d’autres nécessités nous ont conduits à l’étude des langues vivantes. Pendant les deux derniers siècles, on peut dire que la civilisation française a été prédominante en Europe. La cour de Louis XIV et les salons du XVIIIe siècle, la littérature et la philosophie, rayonnaient dans le monde entier, et nous pouvions considérer les autres peuples comme nos tributaires. Ce serait une grande illusion de croire qu’il en est encore ainsi. Il s’est formé en Allemagne un vaste foyer de science et de littérature, une nationalité puissante, qui ne relève plus de nous, tant s’en faut, qui aspire à son tour au rôle prépondérant que nous avons joué. D’un autre côté, l’Angleterre, la race anglo-saxonne, s’est répandue dans le monde entier. Elle a envahi l’Amérique, l’Hindoustan, l’Australie, elle parcourt en maîtresse les mers de la Chine et du Japon. Ses audacieuses entreprises ont pénétré au cœur de l’Afrique et dans les glaces du pôle nord ; nous ne l’avons suivie que de loin dans ces explorations. Il y a donc deux mondes nouveaux ; le monde