Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mens peu patriotiques et ne comptant qu’un petit nombre de familles aisées ou d’hommes instruits, las catholiques avaient vu naturellement avec joie tomber les barrières élevées contre eux et leur église par les anciennes constitutions. L’adjonction sur le pied de la plus parfaite égalité du Brabant et du Limbourg aux anciennes Provinces-Unies avait beaucoup accru leur importance numérique dans le nouveau régime, dont ils formaient les deux cinquièmes. Ils s’étaient constamment unis aux protestans libéraux dans les batailles politiques livrées par ceux-ci aux conservateurs et aux réactionnaires, et plus d’une fois Thorbecke avait dû recourir à leur appoint pour former ou conserver sa majorité. En un sens, il était pleinement dans son droit, et les catholiques, en revendiquant égalité complète, entière liberté, étaient pleinement dans le leur ; seulement on doit se demander jusqu’à quel point il n’y avait pas malentendu des deux parts. Les catholiques comprenaient-ils bien que les institutions et les lois libérales, une fois leur émancipation accomplie, seraient plus dangereuses pour leur croyances que les vieilles lois d’exemption dont ils avaient longtemps souffert ? Il est permis d’en douter quand on les voit aujourd’hui se retourner en masse compacte contre les principes et les hommes du libéralisme. De son côté, Thorbecke avait-il une notion claire de la différence qu’on est bien forcé de faire en politique entre l’église catholique et les autres églises chrétiennes ? Rien dans ses écrits ni dans sa manière d’agir ne prouve que son intelligence, si pénétrante et si lucide partout ailleurs, eût serré de près cette question, aujourd’hui si impérieuse. Ce qui, selon les circonstances, fait la faiblesse ou la force de l’église catholique, c’est qu’elle est internationale, et même par sa hiérarchie, comme dans l’esprit de ses membres fervens, supra-nationale. C’est une fort belle théorie que celle de la séparation de l’église et de l’état, et rien de plus facile que de l’appliquer à des populations protestantes, juives ou même grecques ; mais toutes les théories du monde ne pourront empêcher que là où la croyance de la masse est restée profondément catholique, où par conséquent le clergé tient la clé des consciences et se croit lui-même tenu d’obéir sans réserve à la hiérarchie dont le chef est à Rome, là aussi c’est l’épiscopat qui règne et gouverne au nom du pape, dont il est le délégué. Cela sera surtout vrai, si le catholicisme est professé sous cette forme ultramontaine qui est aujourd’hui sa forme officielle et qui était déjà celle du catholicisme néerlandais depuis le dernier siècle[1]. C’est pour cela que notre ancienne mo-

  1. Dans le Revue du 15 mai dernier, nous avons raconté comment l’ancien épiscopat national de la Hollande fut supprimé par un motu proprio du pape.