qui, voulant la fin, savent vouloir les moyens. La plupart des hommes, faibles et molles créatures, n’ont que des désirs et des velléités ; ils souhaitent la richesse, la puissance ou la gloire, mais ils se gardent bien de s’imposer cette continuité d’efforts et de travaux qui seule pourrait leur assurer ou tout au moins leur mériter le succès. C’est sur la fortune qu’ils comptent ; elle les pousse en avant et les remporte en arrière, comme le flot joue avec les épaves d’un naufrage. Quant à Démosthène, il se montra tout d’abord, dans ses affaires privées, ce qu’il devait être dans toute sa vie publique, un esprit net, une ferme volonté. Pour être à la hauteur du rôle qu’il s’était tracé, il devait apprendre deux choses, le droit et l’éloquence. Comment trouver un maître qui fût tout à la fois orateur et jurisconsulte, qui pût, à lui seul, tout enseigner à son élève ? Voici ce qui paraît le plus vraisemblable. Lorsque Démosthène eut compris que, pour forcer ses tuteurs à rendre gorge, il lui faudrait les mener devant les tribunaux, l’idée lui vint tout naturellement de fréquenter les cours de justice. C’est ce dont témoigne un récit que l’imagination des collecteurs d’anecdotes a peu à peu chargé de circonstances suspectes, mais dont la donnée première remonte très haut, jusqu’à la génération contemporaine d’Alexandre. Ce qu’attestent également les différentes versions de cette histoire, c’est le grand effet qu’aurait produit sur Démosthène, très jeune encore, la parole de Callistrate d’Aphidna, l’éloquent orateur qui dirigea la politique athénienne pendant toute la période des victoires d’Épaminondas et de la suprématie thébaine. Voici comment la chose est racontée par Plutarque. « Quand Callistrate, dit-il, fut accusé de trahison dans l’affaire d’Orope, tout le monde attendait avec impatience les débats, autant pour le procès lui-même que pour l’orateur, qui jouissait d’une brillante réputation. Démosthène entendit ses maîtres et les gouverneurs de ses camarades se promettre d’assister à cette lutte judiciaire. Dès ce moment, il ne cessa de tourmenter son gouverneur que celui-ci ne se fût engagé à l’emmener avec lui. Connaissant un des portiers du tribunal, le précepteur réussit à procurer un siège à l’enfant en un lieu d’où il pût tout voir et tout entendre sans attirer l’attention. Callistrate, ayant fort bien réussi et provoqué une vive admiration, fut reconduit par la foule, au milieu des applaudissemens, jusqu’à sa porte, ce que voyant, Démosthène envia une telle gloire ; mais ce qui l’émerveilla le plus, ce fut la puissance de la parole à tout maîtriser, à se jouer des âmes et à les apprivoiser. » Tout ceci est fort bien combiné, et un mot de Démosthène lui-même, dans la Midienne, semble indiquer qu’il fut en effet témoin de ces mémorables débats. Il y a pourtant, à la manière dont Plutarque
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