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présente les faits, une objection capitale. Lors de ce procès, qui ne peut être antérieur à 366, Démosthène était déjà majeur depuis quelques mois au moins ; il n’avait par conséquent plus de gouverneur chargé de le conduire aux écoles et aux gymnases ; il pouvait, sans en demander permission à personne, assister aux séances des tribunaux comme à celles de l’assemblée.

Le récit d’Hermippos prête aux mêmes critiques. Selon lui, Démosthène, se rendant comme d’ordinaire à l’académie pour entendre une leçon de Platon, aurait un jour suivi en curieux la foule qui se dirigeait vers le tribunal ; ce serait ainsi qu’il aurait écouté Callistrate, et que sa vocation sèmerait éveillée au bruit de cette grande voix. Cette version est un peu romanesque ; au surplus Démosthène ne paraît pas avoir jamais été l’élève de Platon. N’est-il pas bien plus naturel d’admettre que Démosthène, dès qu’il prévit les luttes judiciaires qui l’attendaient, saisit toutes les occasions d’écouter les maîtres de l’art ? D’ailleurs il eut tout le temps de suivre Callistrate dans l’assemblée et devant les tribunaux. Pendant plus de quatre années encore après que Démosthène fut devenu citoyen et libre de ses démarches, Callistrate continuait à gouverner Athènes par la parole ; ce fut seulement en 361 qu’il dut se soustraire par la fuite à une accusation de haute trahison. Condamné à mort par contumace, il ne reparut à l’improviste, quelques années après, dans cette Athènes hors de laquelle il ne savait point vivre, que pour se voir aussitôt arrêter et mettre à mort en vertu de la sentence jadis rendue par défaut. Démosthène conserva de son éloquence une vive impression : toutes les fois qu’il énumère les orateurs de la période précédente, c’est Callistrate qu’il place au premier rang. Si, comme l’indiquent cette anecdote et le souvenir gardé de Callistrate, Démosthène commença dès l’âge de 18 ans à fréquenter les tribunaux, il dut y entendre débiter plus d’un plaidoyer composé par Isée, le logographe qui dans la faveur du public avait succédé à Lysias. Doué comme il l’était, il eut bientôt apprécié des mérites que lui avaient déjà signalés ceux qu’intéressaient son malheur et son courage. Son choix fait, il ne négligea rien pour s’assurer, de la part d’Isée, un concours efficace et sérieux.

Rien de mieux attesté dans toute l’histoire littéraire de l’antiquité que le fait des soins donnés par Isée à l’éducation oratoire et juridique de Démosthène. Quelques critiques, tels que Denys d’Halicarnasse, allaient même jusqu’à dire que le principal titre d’Isée à l’attention de la postérité, c’était d’avoir été le maître de Démosthène. On ne peut juger aujourd’hui du talent d’Isée que par des discours qui appartiennent tous à un seul chapitre de son œuvre, à ses plaidoyers en matière d’hérédité ; cela suffit cependant pour