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promesses jurées auprès du lit du mourant, ce fut lui qui, dans la gestion de la fabrique d’armes, porta le plus de négligence ou de malhonnêteté, — pour tout dire en un mot, ce fut lui qui pilla avec le plus d’impudence. Ainsi désigné le premier auguste ressentiment de son pupille, il venait de fortifier sa position par une alliance qui lui assurait le concours d’un homme influent et habitué à la parole ; il avait épousé la sœur du riche Onétor, un des plus brillans élèves d’Isocrate. Ce qui lui donnait aussi confiance, c’était sa liaison avec les fils de l’opulent Képhisodore d’Anagyronte, Thrasylochos et Midias, personnages turbulens, orgueilleux et insolens, dont le nom reviendra souvent dans la vie de l’orateur, et dont l’inimitié le poursuivra jusqu’au seuil même de la gloire.

Les actions que les orphelins avaient le droit d’intenter à leurs tuteurs infidèles ne se prescrivaient que par cinq ans ; mais on avait tout avantage à ne pas attendre l’expiration de ce terme et à porter le plus tôt possible devant la justice ce que l’on appelait le procès de tutelle. Alors même que le tuteur était condamné à restitution, les sommes dont il était déclaré redevable à son pupille ne portaient intérêt que jusqu’à la fin même de la tutelle. C’est du moins ce qui résulte clairement du compte d’Aphobos tel que le présente partout Démosthène ; nulle part il ne demande d’intérêts de retard pour l’intervalle qui s’est écoulé entre le terme de la minorité et la décision que va prendre le tribunal. Il y a là quelque chose qui nous surprend au premier abord ; à la réflexion, la chose s’explique. Le législateur, voulant laisser à toutes les réclamations sérieuses le temps de se produire, avait accordé aux pupilles cinq années pleines pour examiner leurs comptes de tutelle, et, s’il y avait lieu, commencer les poursuites ; mais il désirait que l’on usât le moins possible de ces délais. A Athènes comme à Rome, comme en France, c’était un fardeau, ce, pouvait toujours être une source d’ennuis qu’une tutelle, — à moins que ce ne fût une fructueuse spéculation. S’il importait que les prévaricateurs fussent punis, il n’était pas moins nécessaire que les honnêtes gens, après avoir porté cette charge dix ou quinze ans, ne restassent pas encore pendant quatre ou cinq autres années sous la menace d’actions dirigées contre leur fortune et contre leur honneur. Les sommes indûment perçues par le tuteur cessant, aussitôt la majorité proclamée, de porter intérêt au profit du pupille, celui-ci n’avait aucune raison de différer le procès.

Démosthène était devenu majeur en 366 ; ce fut en 364 que, se croyant enfin prêt pour la grande lutte, il assigna ses tuteurs. devant le premier des archontes, celui que l’on appelait par excellence l’archonte. C’était à l’archonte, comme au gardien de la famille, de sa religion et de son droit, comme protecteur des veuves et des