Des chevaux tout luisans piétinant la lumière,
Et, devant lui, couchée au fond d’un trou du mur
Qui borde l’aire, tiède en son réduit obscur,
Projetant, bien qu’à l’ombre, un éclair, sa bouteille
Qui l’appelle et lui rit en vain, car il sommeille…
IV.
LA MOUSTOUÏRE. — VENDANGES PROVENÇALES.
« Holà, voisin ! ma vigne est mûre ; qu’on se prête :
Aidez-nous, et demain, notre vendange faite,
Nous irons vous aider de même à notre tour. »
C’est pourquoi le coteau, dès la pointe du jour,
Est plein d’éclats de rire et de chansons alertes ;
Cachés jusqu’à mi-corps parmi les vignes vertes,
En groupes espacés, on voit les paysans
Se courber pour cueillir la grappe aux grains luisans.
Les filles, que poursuit l’œil des malins, sont gaies.
Leur jupe à mille plis, fort courte, à longues raies,
Montre la fermeté de leur jambe, et vos yeux
Sont brillans de plaisirs, ô travailleurs joyeux !
La serpe va et vient. Parfois l’un d’eux se dresse,
Appelle, et dans sa main, prétexte à la paresse,
On admire un moment, lourde et pareille à l’or,
Une grappe où le pampre en festons tremble encor,
Fruit rare et mieux venu, qui se garde ou se mange.
Tout courbés sous le poids des mannes de vendange,
Les porteurs, leur coussin à l’épaule, là-bas,
Gagnent avec lenteur, car voici qu’ils sont las,
La cuve où des enfans dansent, les jambes nues,
Sur le flot de raisins épanchés des cornues.
La serpe va et vient. L’année est bonne : on rit.
Le soleil fait le vin, qui fait content l’esprit :
Merci, soleil ! on chante, on s’appelle, on babille.
Cependant derrière elle une oublieuse fille
Laisse un beau grappillon que, sous le pampre vert,
Un galant aux aguets a bientôt découvert.
« La moustouïre ! » dit-il, car la fille est jolie :
Il doit, ayant coupé la grappe qu’elle oublie,