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suffrages au parti qui triomphe. Partout les greeleyites et les anti-Greelty se livrèrent des combats acharnés ; presque partout une majorité faible, mais suffisante, se prononça en faveur de Greeley. Les deux conventions démocratique et libérale de l’Illinois avaient même donné l’exemple de la coalition en contractant une union solennelle et théâtrale ; les libéraux s’étaient rendus en cortège dans le sein de la convention démocratique. L’exemple avait été suivi dans le Massachusetts, l’Ohio, la Virginie, la Géorgie et le New-Jersey. Il devenait donc impossible de faire échouer Greeley à moins de voter pour Grant. Son succès n’était plus douteux dans la convention, puisqu’elle n’avait plus qu’à enregistrer les décisions de ses commettans.

L’assemblée se réunit le 9 juillet à Baltimore. De tous les états qui y étaient représentés, le petit état de Delaware, obéissant à d’anciennes et profondes convictions démocratiques, était le seul qui eût donné mission formelle à ses délégués de refuser leurs voix à M. Greeley et de réclamer jusqu’au bout la formation d’un nouveau ticket électoral dans le sens des straight-out democrats ou démocrates purs. La délégation de l’Indiana n’avait pas reçu d’instructions bien précises, car elle paraissait disposée à proposer comme démocrate pur, ou straight-out, le sénateur Hendricks, de l’Indiana ; mais celui-ci ayant accepté une autre candidature, celle de gouverneur de son état, la délégation dut renoncer à son projet, et elle se replia sur Greeley, qui fut élu de la sorte à la presque unanimité. Du reste, la convention de Baltimore sembla prendre à tâche de s’effacer derrière celle de Cincinnati en acceptant son œuvre tout entière. Elle ne siégea que juste le temps nécessaire pour dire amen à toutes les décisions des républicains libéraux ; elle adopta textuellement le programme et les résolutions de Cincinnati sans y changer un seul mot. Cette opération fut exécutée avec beaucoup d’ensemble, sinon sans quelques discussions vives. À Cincinnati, il avait fallu six tours de scrutin pour accoucher de la nomination Greeley. À Baltimore, un seul tour suffit : 686 voix contre 38 érigèrent le rédacteur en chef de la Tribune à la dignité pour lui bien peu enviable de chef du parti démocrate.

Il n’y avait plus à s’en dédire. La candidature de M. Greeley défiait maintenant tous les efforts de ses adversaires et toutes les répugnances secrètes de ses partisans involontaires. Sans doute la position du candidat était bizarre : nommé par deux grands partis, il n’en représentait sérieusement aucun. Sas antécédens et ses principes, si du moins il en avait encore, n’étaient d’accord ni avec le programme véritable des libéraux, ni avec les secrètes opinions des démocrates. Cette coalition n’était qu’une machine de guerre pour battre en brèche le général Grant. « N’importe qui pour