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collection si généralement utile, que de toutes celles dont le public demande chaque jour la communication il n’en est point de plus habituellement consultée.

La première pensée de ce vaste travail et l’honneur de l’avoir accompli appartiennent à un homme qui, attaché depuis 1795 au département des estampes, n’a pas cessé pendant soixante années de participer plus activement que personne à tout ce qui s’y est fait, d’exercer sur toutes les déterminations une influence prépondérante. Bien que M. Duchesne n’ait été revêtu du titre officiel de conservateur qu’au bout de près d’un demi-siècle, bien que ses services jusqu’à cette époque se soient en apparence confondus avec ceux que rendaient ou qu’étaient censés rendre les deux fonctionnaires auxquels il était hiérarchiquement subordonné, c’est lui en réalité qui dirigea le département des estampes avant que Joly fils eût cessé d’en être le chef et pendant toute la durée de la gestion nominale de M. Thévenin[1]. Vers la fin de sa vie en effet, Joly se reposait presque complètement sur M. Duchesne du soin de pourvoir aux nécessités présentes ou de prendre pour l’avenir telles mesures qui conviendraient. Retiré dans sa maison de campagne, il ne se montrait plus que rarement à la Bibliothèque, à titre de surveillant honoraire en quelque sorte ou de haut fonctionnaire en tournée d’inspection. Quant à M. Thévenin, quoique plus souvent présent au département des estampes, il restait d’habitude aussi étranger à ce qui se passait autour de lui qu’aux détails de l’administration proprement dite, et s’en rapportait, pour la discipline à maintenir comme pour la conclusion des affaires, à un homme dont il avait au moins le bon goût de reconnaître hautement l’expérience et le zèle. Aussi, lorsqu’à la mort de M. Thévenin M. Duchesne se vit enfin appelé à la place dont il remplissait depuis si longtemps les fonctions, n’y eut-il de changé pour lui que le titre accompagnant son nom. Cette autorité, qui lui appartenait déjà par la force des choses, il ne fit que continuer de l’exercer sans avoir, comme par le passé, à se dérober sous la responsabilité d’autrui, et quand il succomba en 1855, un de ses collègues dans un autre département put rappeler avec raison que, si le moment de la justice officielle s’était bien fait attendre pour M. Duchesne, la justice que lui rendaient le public, les artistes et les fonctionnaires eux-mêmes qu’il suppléait avait devancé de beaucoup cette heure de réparation tardive.

  1. Membre de l’Institut et ancien directeur de l’Académie de France à Rome, Charles Thévenin, à qui son âge et sa santé ne permettaient plus de travailler comme peintre, avait été nommé en 1829 conservateur du département des estampes en remplacement de Joly fils. Il occupa ce poste jusqu’au commencement de 1839.