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que le temps et les occasions permettraient de remplir. Aussi, chaque fois qu’on formait un nouveau volume, avait-on soin de laisser çà et là un certain nombre de pages blanches, en prévision de ce qui pourrait survenir : sage précaution et en réalité la seule qu’il y eût à prendre, mais le plus souvent précaution insuffisante, puisqu’elle n’assurait aux pièces dont ce volume se trouverait un jour ou l’autre enrichi ni leur place exacte dans l’ordre des sujets, ni leur importance relative quant à la chronologie des ouvrages sortis de la main d’un peintre ou d’un graveur. Une scène mythologique gravée d’après Raphaël, une scène de genre d’après Rubens, un paysage d’après Poussin pouvait, faute d’un feuillet vacant dans la série des sujets analogues traités par chacun de ces maîtres, occuper forcément une des pages destinées aux scènes sacrées ou aux portraits ; telle vignette gravée par Nanteuil lorsqu’il n’avait (encore que l’âge et l’habileté naissante d’un apprenti risquait, en arrivant trop tard, de ne trouver place qu’au milieu des chefs-d’œuvre produits par l’éminent artiste vers la fin de sa carrière.

A plus forte raison, les embarras et les inconvéniens étaient-ils graves là où la nature même et le nombre des pièces à introduire déconcertaient nécessairement tout calcul préalable et ne relevaient guère que du hasard. Une évaluation approximative des lacunes que l’avenir comblerait progressivement dans l’œuvre d’un maître semblait possible à la rigueur parce qu’on savait à peu près ce que ce maître avait fait ; mais le moyen de déterminer à l’avance l’espace qu’exigeraient les accroissemens partiels ou généraux d’une collection de portraits, de pièces topographiques ou historiques ? Comment deviner que telle classe de modèles, tel coin de pays, tel ordre de faits, inspirerait plus de travaux et fournirait un jour plus de documens que tel autre ? Et, lors même que les pièces insérées après coup n’auraient amené aucun désordre, aucune interversion dans le classement, que faire de celles qui surviendraient encore ? Chaque volume primitif une fois rempli, il ne restait plus d’autre ressource que de rejeter dans des volumes de supplément ce surcroît imprévu de matériaux ; de là d’inévitables complications dans les recherches et des difficultés d’autant plus grandes que les fragmens ainsi disséminés étaient plus nombreux.

Le moyen pris, il y a un peu plus de vingt ans, pour opérer à cet égard une réforme avait, entre autres mérites, celui d’être facilement applicable. Par un mécanisme très simple, par l’action combinée de deux baguettes ou tringles intérieurement adaptées au dos d’un volume en forme de portefeuille et de quelques vis destinées à rapprocher ou à écarter plus ou moins ces baguettes entre