Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/643

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lesquelles les feuillets doivent être introduits, on se donnait, suivant les besoins, la double faculté de placer chaque pièce précisément à son rang, et, dans le cas où une erreur aurait été commise, de la réparer en retirant le feuillet mal à propos inséré, sans rien endommager pour cela, sans compromettre la conservation du reste. En un mot, contrairement aux résultats invariables, à la répartition fixe qu’impose la reliure ordinaire, ce mode de reliure mobile permettait d’augmenter ou de diminuer à volonté le contenu de chaque volume, de le modifier, de le renouveler incessamment. On conçoit les avantages d’un pareil procédé tant pour la composition première que pour les développemens futurs des recueils, et quelles ressources illimitées il offre au point de vue déclassement général ou des remaniemens partiels. Aussi fit-il bientôt fortune au département des estampes, où il a été, où il est continuellement appliqué soit à la formation de collections nouvelles, soit à la reconstitution d’anciennes collections, comme la Topographie de la France où les occasions d’intercaler une ou plusieurs pièces se présentent presque chaque jour.

C’est à un artiste bien connu d’ailleurs par la fécondité de son crayon et l’élégance facile de sa manière que l’on doit l’idée et la mise en pratique de ce perfectionnement décisif. Avant d’être attaché à la Bibliothèque, M. Achille Devéria avait établi en reliure mobile les volumes qui composaient sa collection particulière. Devenu conservateur-adjoint du département des estampes pendant les dernières années de la vie de M. Duchesne, puis conservateur titulaire après la mort de celui-ci, il étendit son système au classement de notre collection nationale, et lorsqu’à son tour il mourut en 1857, plus de mille volumes in-folio ainsi constitués prouvaient avec quel zèle il avait déterminé un progrès qu’il ne resterait plus à son successeur qu’à poursuivre. Le souvenir de cette utile réforme, de ce service rendu dans le présent et dans l’avenir, n’est pas au surplus le seul qui subsiste à la Bibliothèque des travaux accomplis par M. Devéria. Sans parler de l’ordre qu’il introduisit dans plusieurs séries ouvertes autrefois un peu à l’aventure et depuis longtemps négligées, les recueils qui lui avaient appartenu, et qui formaient une suite de 565 volumes ou portefeuilles, vinrent après lui s’ajouter aux collections du département des estampes, en attendant que celui-ci achevât d’être enrichi par une donation du plus haut prix et d’une importance à tous égards exceptionnelle.

La collection dont la Bibliothèque se trouvait ainsi appelée à prendre possession six ans après que l’acquisition avait été faite des recueils laissés par M. Devéria, cette collection, plus rare encore que volumineuse, lui était léguée par un homme qui avait consacré