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sa vie presque tout entière à en rechercher, à en réunir, à en épurer de plus en plus les élémens. Bien avant d’entrer au département des estampes, l’admirable ensemble de pièces sur l’histoire de France que contenaient les portefeuilles de M. Hennin était célèbre dans le monde des savans et des artistes, comme l’avait été le cabinet de l’abbé de Marolles ou celui de Béringhen, du vivant même de ces deux curieux. Toutefois, avec quelque libéralité que le possesseur de cette belle collection l’eût mise jusqu’à son dernier jour à la disposition de quiconque avait besoin de la consulter, l’acte généreux par lequel il en faisait don à la Bibliothèque assurait à tant de documens précieux une publicité infiniment plus vaste. Ce qui avait été le lot de quelques regards privilégiés devenait maintenant le bien de tous, et depuis le peintre ou l’historien en quête de renseignemens positifs sur un personnage ou sur un fait jusqu’au dessinateur de vignettes, jusqu’à l’écrivain ne recherchant que le trait de mœurs intimes et l’anecdote, chacun se trouvait en mesure d’exploiter à son gré une mine d’autant plus riche qu’elle était sans mélange, et qu’aucun élément parasite n’en avait d’avance altéré ou interrompu les filons.

Beaucoup plus scrupuleux que Fontette, qui, comme on l’a vu, prenait à peu près de toutes mains ce qu’il entendait mettre en œuvre, M. Hennin ne consentait à recueillir et à employer que des matériaux sévèrement choisis. Sa collection, comprenant environ 25,000 estampes ou dessins, renfermés aujourd’hui dans 169 volumes, est exclusivement composée de pièces contemporaines des scènes retracées. Rien que d’incontestable dès lors et d’absolument authentique dans les renseignemens qu’elle fournit. Entre les 2,000 estampes par exemple reproduisant les événemens du règne de Henri IV, on n’en trouvera pas une qui n’ait été gravée au lendemain pour ainsi dire du fait représenté. Depuis les campemens ou les combats sous les murs de Paris jusqu’à l’assassinat du roi, depuis les portraits gravés par Léonard Gaultier et Thomas de Leu jusqu’aux complaintes illustrées et aux canards qui se débitaient dans les rues, l’image d’un épisode politique ou d’un personnage, d’une action de guerre ou d’une cérémonie civile, n’a été admise à figurer dans ce recueil rigoureusement historique qu’autant qu’elle était l’œuvre d’un homme directement informé, d’un sûr témoin. Suit-il de là que la collection léguée par M. Hennin n’ait qu’un caractère archéologique, qu’elle tire tout son prix de certains témoignages spéciaux, qu’en un mot elle nous enseigne l’histoire à l’exclusion ou au préjudice de ce qui relève de l’art et intéresse les souvenirs du talent ? Ce serait se méprendre beaucoup que de lui attribuer une signification indépendante du mouvement et des