Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/695

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perdue à la suite des événemens politiques et aussi par le fait de gestions compliquées, mais qui a reçu depuis de nouveaux legs, donne en ce moment un revenu annuel de 110,000 francs. La fondation créée par les frères Zosimas comporte un lycée de quatre classes et une école hellénique ; elle compte près de 300 élèves, elle possède une bibliothèque où on trouve tous les classiques français, nos encyclopédies, les grandes collections latines et grecques, plus de livres qu’il n’en faut pour entreprendre des travaux sérieux. Un cabinet de physique a été acquis sur la même dotation ; selon les intentions des donateurs, les professeurs ont rédigé et fait imprimer des livres qui sont donnés gratuitement aux élèves ; des bourses sont attribuées aux enfans pauvres, qui logent chez des particuliers aux frais de l’institution ; enfin deux jeunes Grecs qui ont fait preuve de zèle et d’intelligence vont chaque année compléter leurs connaissances dans une des grandes universités de l’Europe.

L’histoire de ce gymnase est celle de tous les établissemens d’instruction dans les villes de Turquie, tous sont l’œuvre de particuliers généreux qui d’ordinaire ont fait fortune au dehors. Ainsi, dans un petit village situé en face d’Argyro-Castro et qui compte à peine cent maisons, la libéralité d’un Grec de Constantinople, M. Christaki Zographos, institue aujourd’hui un orphelinat et une grande école, où on réunira, pour les élever gratuitement, les enfans de la contrée. De si honorables bienfaits ne sont pas destinés à être connus ; en Épire même, bien des Grecs les ignorent. Un médecin de Janina, M. Lambridis, vient de publier la description du canton de Zagori ; il a donné pour chaque village les sommes attribuées aux écoles ; c’est par centaines qu’il cite les noms de ces bienfaiteurs. De pareilles monographies qui n’arrivent pas en Europe nous permettraient cependant de mieux comprendre ce qu’est l’hellénisme. La reconnaissance des Grecs est assurée à ces dévoûmens. L’école de Zosimas célèbre par des services annuels la mémoire de ceux qui l’ont fondée ou qui l’ont enrichie ; leurs noms sont récités dans les prières publiques. Cette piété est générale dans toutes les communautés grecques pour les bons patriotes ; ils sont les évergètes des temps modernes. On se tromperait bien de penser qu’ils sacrifient surtout à la gloire ; ils obéissent à une passion plus haute, l’amour de leur race.

J’assistais dernièrement en Épire à une de ces audiences quotidiennes que les évêques donnent à leurs fidèles et qui commencent le matin pour finir avec la nuit. Dans la foule de gens de toute condition qui se présentaient devant le prélat avec cette familiarité respectueuse propre à l’Orient, se trouvait une pauvre vieille femme. Elle eut quelque peine à expliquer l’affaire qui l’amenait. Nous