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comprîmes enfin qu’elle avait perdu son fils Nicolas, que tous ses parens avaient de quoi vivre, et qu’elle voulait léguer sa cabane et ses deux vaches, le peu qu’elle possédait, en tout 2,000 drachmes, à la nation. Par ce mot, elle entendait la ville d’Athènes ; mais elle demandait au métropolitain de la conseiller et d’attribuer cette fortune à une œuvre qui intéressât la race tout entière. Il fut convenu que l’école pour les jeunes filles, fondée dans le royaume hellénique par M. Arsaki, recevrait 1,000 drachmes, et l’université le reste de cette fortune. Ce dévoûment à l’hellénisme se retrouve sous toutes les formes, souvent chez des Grecs qui ne savent rien de la politique ni de l’histoire. Un sentiment plus fort que toute science leur persuade que la Grèce peut beaucoup pour la cause commune. les Hellènes, qui sous la domination turque avaient su conserver les caractères propres à leur race, ont vu enfin en 1830, après une lutte de dix années, un tiers d’entre eux affranchi. Ce royaume de si médiocre étendue, qui commence aux monts Odrys pour finir au cap Matapan, qui compte la population de trois de nos départemens, devait exercer une puissante action sur le développement de l’hellénisme. Il était d’abord pour toute la race le gage d’un avenir meilleur ; par cela seul qu’il se constituait, il prouvait que tout dans les espérances des Grecs n’était pas une chimère. Il devait rester une première preuve de ce que peut une nationalité qui ne désespère pas d’elle-même. Les conditions dans lesquelles il fut créé ne lui permirent pas de mettre la force au service des raïas, encore soumis à la Porte, il n’a pu par sa diplomatie que très peu modifier leur condition ; mais il est devenu une sorte de territoire sacré où tout le patriotisme des Hellènes répandus en Europe, exilés jusque dans l’Inde ou en Amérique, a travaillé à l’œuvre de leur commune grandeur. Ce qu’ils ont voulu surtout, souvent sans s’associer aux querelles qui divisaient le pays et en déplorant les erreurs politiques de leurs frères devenus libres, c’est fonder, sur la seule terre qui leur appartient en propre, des institutions capables de servir au progrès et à la gloire de toute la race. C’est ainsi qu’ils ont établi l’université d’Athènes ; elle est l’œuvre de la nation et non du gouvernement, des Grecs de tous les pays plus encore que de ceux du royaume. Quand il a fallu construire le palais où se font les cours, la Grèce propre a donné 308,000 drachmes, les souscriptions des Grecs de Turquie et de tout l’Orient se sont élevées au chiffre de 422,000 drachmes. Ces listes ont été publiées ; on y trouve l’offrande des plus petites bourgades. Ce sont les piastres du peuple entier qui ont rendu possible ce monument ; ce sont elles aussi qui après que l’édifice a été bâti lui ont constitué une dotation. Le recteur à la fin de chaque année lit la liste des dons faits à l’université, des propriétés qui lui ont été léguées ; à côté d’un bois situé en