colons de la Grèce propre sont passés du royaume hellénique en Thessalie et en Épire. La population de la Grèce en 1821, année où commença la guerre de l’indépendance, ne peut être déterminée avec précision ; les chiffres proposés par le ministère de l’intérieur d’Athènes, d’après les pièces que laissa au gouvernement du roi Othon la régence du président Capo-d’Istria, sont loin d’être d’accord. Ils varient entre 675,000 habitans et 938,000. Si on admet le chiffre moyen de 800,000, il fallut dix ans à la Grèce affranchie pour que sa population, tombée en 1832, d’après les statistiques officielles, à 752,000 habitans, atteignît de nouveau 800,000 âmes. Dans la période décennale suivante, l’augmentation fut seulement de 149,000 habitans ; en 1852, le recensement donnait 1 million d’âmes ; en 1862, le bureau de la statistique constatait un accroissement de 94,000 habitans. La Grèce est à peine peuplée ; on y compte tout au plus 25 habitans par kilomètre carré, c’est la proportion que présentent en Europe la Russie et la Norvège seules. On objecte en vain que le pays est montagneux. Dans cette contrée déjà tout orientale, les exigences de la vie sont très différentes de celles qu’imposent nos climats. Le paysan, naturellement sobre, vit comme les personnages d’Aristophane, d’herbes et d’olives ; il fait par an, sans en souffrir, quatre longs carêmes, durant lesquels il ne mange ni viande, ni œufs, ni laitage. Le confortable nécessaire en Occident lui est inutile. Il ignore ce qu’est une maison bien close ; il couche sur le sol battu, dans son manteau ; le lit est inconnu dans les campagnes et souvent dans les villes ; ce sont ces facilités de la vie qui permettent de comprendre la grande population des états de la Grèce ancienne. Pour qui a vu ce pays, il n’est pas difficile d’admettre que l’Attique de Périclès ait eu 400,000 habitans, que l’île d’Égine, qui compte aujourd’hui 3,000 âmes, ait pu posséder au IVe siècle avant notre ère une population cinquante fois plus nombreuse. La Grèce propre, à la belle époque, comptait au moins de 6 à 7 millions d’habitans.
L’état d’abandon où est aujourd’hui l’agriculture dans le pays explique en grande partie cette population si peu élevée. Les documens publiés par le ministère ne peuvent être soupçonnés d’exagérer la grandeur du mal ; ils évaluent à 18 millions de stremmes[1] la totalité de terres cultivables, à 7 millions seulement les terres cultivées, encore ne le sont-elles pour la plupart que tous les trois ans. Ainsi chaque année le sixième du sol productif est labouré et ensemencé. Ici encore c’est à la Russie que la Grèce doit être comparée. Un pays aussi pauvre doit demander en moyenne à
- ↑ Le stremme contient 1,000 piques royales carrées ; la pique vaut 75 centimètres.