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Sentinela, — étaient supprimés ou suspendus, et le parti libéral témoignait une vive irritation.

Sur ces entrefaites, les chambres péruviennes se réunissaient le 13 juillet. L’ouverture officielle du congrès était fixée au 23 juillet, les deux semaines antérieures à cette date étant consacrées à la vérification des pouvoirs des députés et des sénateurs nouvellement élus. Les choses en étaient là quand on parla tout à coup d’un pronunciamento dont le ministre de la guerre, don Thomas Guttierez, prendrait l’initiative d’accord avec M. Ureta. Le coup d’état eut lieu en effet le 22 juillet, et don Thomas Guttierez fit arrêter le colonel Balta, président de la république. Il prit en même temps le titre de chef suprême de l’état, et confia la direction de l’administration au docteur Fernando Casos ; mais les troupes, que les partisans de don Manuel Pardo avaient en partie gagnées, ne tardèrent pas à se prononcer contre l’usurpateur.

Dès la première nuit, celle du 22 au 23 juillet, des corps de garde avaient été abandonnés. Le tour des bataillons vint ensuite. Il y eut dans plusieurs casernes des combats sanglans entre des corps fidèles au nouvel ordre des choses et d’autres corps acquis à la cause opposée. Le peuple ne prenait aucune part à ces luttes. Don Manuel Pardo avait trouvé un refuge à bord d’un navire de guerre péruvien, le Huasear ; ses amis s’étaient cachés. Il régnait donc à Lima une sorte de tranquillité, mais elle n’était qu’apparente ; une contre-révolution était inévitable. C’est du Callao qu’elle partit, et c’est par l’armée qu’elle s’opéra. Dès le 25 juillet, les communications étaient coupées entre Lima et le Callao. Plusieurs bataillons envoyés successivement dans ce port se débandèrent ou passèrent dans le camp constitutionnel. Le 26 juillet au matin, on regardait déjà comme imminente la chute de don Thomas Guttierez. Un de ses frères, don Sylvestre, fut assassiné. On prétendit d’abord que l’auteur de ce meurtre était le fils du colonel Balta, et cette nouvelle, qui d’ailleurs était fausse, exaspéra tellement don Thomas Guttierez et son autre frère, don Marceliano, qu’ils firent immédiatement mettre à mort le président de la république. Toute la population de Lima se souleva. Abandonnés par leurs soldats, les frères Guttierez furent égorgés l’un et l’autre, don Thomas dans la principale rue de Lima, don Marceliano à peu de distance du Callao. Cependant le colonel Herencia Levallos, premier vice-président de la république, prit la direction provisoire des affaires, et constitua un ministère. Le régime constitutionnel, violemment interrompu par l’usurpation des Guttierez, reprenait ainsi son cours. Quant à M. Fernando Casos, il avait donné sa démission de secrétaire-général dès qu’il avait été instruit de l’assassinat du président Balta.

Il y eut un instant de trouble extrême. Les crimes commis avaient causé une émotion facile à comprendre. La populace exaspérée livrait