Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/745

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une incandescence permanente, un mouvement fiévreux d’ambitions personnelles, un choc entre des passions stériles et une civilisation toujours contrariée, ajournée, détournée de son but pratique ; mais, si grave qu’il soit, le mal n’est pas incurable. Au Pérou, comme dans d’autres contrées de l’Amérique méridionale, les bons esprits comprennent que la paix est la condition nécessaire, indispensable, du développement d’un commerce qui peut devenir immense. Stimuler l’industrie, lui ouvrir des voies nouvelles, multiplier les communications, fortifier les races nationales par l’émigration européenne, ranimer la population des campagnes trop accoutumée à l’indolence et à la pauvreté, c’est la tâche qu’il s’agit d’accomplir ; mais pour cela il faut empêcher le retour de ces crises périodiques qui font perdre en un jour le terrain gagné par suite de plusieurs années d’efforts, il faut contenir les ambitions, apprendre à l’armée le respect de la légalité, habituer les populations à l’exercice de leurs droits et surtout de leurs devoirs.

Le Pérou, si bien doué par la nature, et où tant de richesses demeurent encore inexplorées, grandirait bien vite par le calme, et il ne dépend que de lui-même d’arriver rapidement à une prospérité matérielle de beaucoup supérieure à celle dont il a joui jusqu’à présent. Borné au nord par l’Equateur, au sud et à l’est par la Bolivie, à l’est par le Brésil, à l’ouest par le Grand-Océan, il peut, s’il est tranquille, être utile non-seulement à lui-même, mais aux républiques voisines, en leur donnant l’exemple d’une politique à la fois correcte et conciliante. La France a trop de sympathies pour ces jeunes et intelligentes nations, notre commerce entretient avec elles des relations trop fréquentes pour que nous ne nous intéressions pas au développement de leurs ressources et de leur activité. C’est avec un réel chagrin que nous les voyons si souvent user dans des agitations ou stériles ou sanglantes une énergie qui serait heureusement appliquée à des œuvres plus efficaces. Pourquoi ces républiques hispano-américaines, rapprochées les unes des autres par la communauté d’origine, de religion, de langage, et par les souvenirs des guerres d’indépendance, ne tiendraient-elles pas à honneur d’inaugurer dans leurs rapports une politique fondée sur le respect de leurs droits mutuels et sur un système véritablement pacifique ? Pourquoi épuiseraient-elles leurs forces dans des luttes diplomatiques et militaires, dans des rivalités d’influence, dans des contestations de frontières, qu’avec des idées conciliantes il serait si facile d’éviter ? Que les habitans de la vieille Europe, gênés par des limites trop étroites et forcés par le paupérisme à s’expatrier, se disputent quelques parcelles de terre, c’est ce que l’on comprend à la rigueur tout en le regrettant ; mais que des peuples jeunes qui ont à leur disposition une étendue de terrain au moins dix fois plus grande que celle qu’ils peuvent cultiver, des peuples qui ont à changer en plaines fertiles des solitudes immenses, à