avec de braves gens fourvoyés, quantité de traînards qui n’avaient guère souci de rejoindre leur drapeau.
Puis survint aussitôt la cohue des réquisitions contradictoires et abusives. Chaque branche de l’administration militaire invoquait des besoins impérieux pour se faire servir la première. Metz manquait de farine, Strasbourg n’avait pas de sel, la marine réclamait des fromages de Bâle et des draps de Sedan, le génie demandait des pierres pour les fortifications de Paris. Le même jour, l’intendant de la place de Metz faisait décharger des fourrages, et l’intendant d’un corps d’armée en expédiait sur la voie d’à côté. Tel général défendait au chef de gare de mettre à terre les bagages de sa division, ne sachant s’il allait séjourner au point d’arrivée ou repartir quelques heures plus tard. Enfin, au milieu de ce prodigieux encombrement, arrivaient parfois les ordres les plus bizarres, comme par exemple l’envoi d’un équipage de pont de Paris à Reims au moment où l’armée en pleine retraite était obligée d’évacuer cette dernière ville.
On le voit, dans cette première période de la campagne, les deux premiers principes énoncés ci-dessus, de l’entente entre l’autorité militaire et les ingénieurs, et de la prompte évacuation des gares, furent entièrement méconnus. Le ministre de la guerre et ceux qui parlaient en son nom, tant à Paris qu’en province, ne parurent même pas soupçonner que telle chose fût nécessaire. La confusion s’accrut encore lorsque les généraux, mal renseignés sur les ressources que présente un chemin de fer, voulurent faire sur rails des transports qu’il eût été plus rapide d’effectuer par les routes de terre. Du camp de Châlons à Metz, il n’y a que quatre ou cinq étapes en ligne droite ; encore la route carrossable est-elle doublée par un chemin de fer jusqu’à Verdun. Au lieu d’expédier le corps d’armée du maréchal Canrobert par cette voie directe qui l’eût conduit sous les murs de Metz en cinq ou six jours au plus, l’état-major général eut, le 9 août, l’idée malencontreuse d’expédier ces troupes par la voie ferrée de Châlons, Toul et Frouard, que les éclaireurs ennemis menaçaient déjà. Il s’agissait de transporter 31,000 hommes, 2,300 chevaux et 255 voitures ou canons. Il fallut réunir plus de 2,000 wagons, organiser 40 trains spéciaux sur une ligne encombrée déjà par les autres transports de la guerre. Qu’en advint-il ? Les premiers trains arrivèrent seuls à destination, les autres stoppèrent en route et déchargèrent dans les gares intermédiaires ou rebroussèrent chemin. Un corps qui aurait dû marcher en masse compacte se vit ainsi dispersé sur 40 lieues de pays, en face de l’ennemi. Plus tard, pendant la période de la guerre en province, la même faute se reproduisit plus d’une fois. Les généraux en chef s’imaginaient-ils donc que former des trains, embarquer les hommes et leurs bagages, les décharger et renvoyer le matériel vide au point de départ, fussent des opérations insignifiantes ? Dans