IV.
Les observations et les nombreux matériaux de divers genres recueillis par notre compatriote jettent un jour vraiment nouveau sur la grande île africaine, sur les populations de ce pays, sur plusieurs questions importantes d’histoire naturelle. Si des portions de territoire plus ou moins étendues de la Grande-Terre n’ont pas encore été visitées, toutes les contrées adjacentes sont à présent assez connues pour qu’on ait de l’ensemble du pays une notion très précise. Les investigateurs n’ayant vu que la côte orientale, ravis en présence d’une nature à la fois étrange et superbe, ont fait de Madagascar un délicieux tableau. On disait, il est vrai, que le littoral du sud et du sud-ouest est triste, misérable, désolé, mais on ne parlait que du bord immédiat de la mer. Lorsque dans le siècle actuel les Européens ont fréquenté le nord de l’île à l’est ou à l’ouest, chaque récit témoigna d’une irrésistible admiration pour les magnificences de ces rivages : la baie de Diego-Suarez, une des merveilles du monde ; la baie de Passandava pleine d’enchantemens ! On oubliait la description de l’amas de montagnes, les désespérantes solitudes de la région située à l’ouest de la province d’Imerina. Si les yeux se fixaient sur la carte, ils s’arrêtaient sur d’immenses espaces que personne ne connaissait, et l’imagination seule pouvait se donner carrière. Maintenant la réalité s’offre aux regards et à la méditation. Comme d’autres îles, Madagascar présente les plus prodigieux contrastes, et ce fait permettra d’expliquer bien des phénomènes. Ici, le pays possède les plus brillantes richesses de la nature ; l’homme sauvage peut vivre heureux sans travail, l’homme civilisé se procurerait toutes les jouissances imaginables de la vie matérielle, et, s’il avait les sentimens du poëte, de l’artiste ou du savant, il rencontrerait à profusion les sujets qui élèvent la pensée ou charment l’esprit. Là au contraire, le sol est ingrat, les hommes, obligés d’arracher péniblement à la terre une nourriture insuffisante, paraissent condamnés à vivre éternellement à la façon des bêtes. Ailleurs, c’est pire : les roches sont nues ; il n’y a ni un peu de terre, ni un ruisseau qui rendent possible l’existence des hommes et des animaux ; sur la grande île africaine, la part de ces lieux désolés est immense.
Jusqu’ici, relativement à la configuration du sol de Madagascar, nous n’avions que des renseignemens assez vagues, et, à l’égard des grandes montagnes, d’autres observations d’un caractère scientifique que celles de M. Edm. Guillemin, bornées aux parties voisines du littoral. Avec M. Grandidier, nous prendrons une idée de l’en-