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tions pour l’étude, et des questions d’une haute importance scientifique ont pu être résolues. Des observations plus ou moins anciennes conduisaient à penser que sur la Grande-Terre certaines espèces végétales et animales habitent des régions très circonscrites ; aujourd’hui le fait est bien démontré. Les jolis mammifères du groupe des lémuriens, indris et makis, si caractéristiques de la faune de la grande île africaine, ont été le sujet de remarques curieuses et de découvertes qui méritent d’être citées. Les indris sont du nombre de ces animaux attachés à un canton : l’espèce répandue dans une partie de forêt est remplacée un peu plus loin par une autre espèce, comme la première ne dépassant jamais ses limites ordinaires malgré l’uniformité apparente des lieux ; les naturels l’affirment, et le voyageur a constaté l’exactitude de l’assertion. Des makis envoyés isolément en Europe, morts ou vivans, et placés dans nos musées, présentant de grandes différences dans la coloration du pelage et même dans la forme de la tête, avaient paru aux yeux des zoologistes être d’espèces bien distinctes. M. Grandidier ayant rassemblé et comparé quantité d’individus, il est devenu évident que les makis, en réalité peu nombreux en espèces, offrent des variations infinies. Chez quelques mammifères du même groupe, une queue singulière par le volume avait attiré l’attention ; on apprend pour la première fois la signification de la difformité. Les chirogales, comme on les appelle, passent la saison sèche en état de léthargie ; avant le sommeil, de la graisse s’emmagasine en quelque sorte en différentes parties du corps, et principalement autour de la queue, de façon à fournir les matériaux nécessaires à l’entretien de la vie de l’animal jusqu’au moment du réveil. Les lémuriens, nous l’avons dit, ont des ressemblances frappantes avec les singes, et en même temps des particularités très notables ; d’après la seule considération des adultes, il paraissait à peu près impossible de saisir le véritable degré de parenté de ces animaux ; les collections formées par l’explorateur de la grande île africaine ont donné à M. Alphonse Milne Edwards la facilité de faire une étude des makis à l’époque de la vie utérine, et de cette étude est sortie la preuve que la parenté entre les lémuriens et les singes est plus éloignée qu’on ne l’imaginait.

Le curieux chat aux pattes d’ours[1] avait été décrit d’après un jeune individu ; les caractères demeuraient incertains, les recherches de M. Grandidier ont permis de les déterminer. L’existence de pachydermes à Madagascar restait problématique ; elle a été démontrée par la découverte du petit sanglier à masque dans les

  1. Cryptoprocta ferox.