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considérable à la somme des richesses devenues depuis 1667 le lot de la Bibliothèque. C’est ce qui arriva. Tout ce que les maîtres graveurs français du XVIIe siècle avaient déjà produit vint, au grand profit de la collection royale, prendre place à côté des œuvres de l’art ancien. Ainsi se constitua en regard de celles-ci une série à part, un fonds qu’allaient d’ailleurs bientôt augmenter plusieurs milliers de portraits légués à la Bibliothèque par un homme qui y avait honnêtement et utilement passé sa vie, par es même Nicolas Clément dont on a vu déjà figurer le nom.

Nous disions tout à l’heure que Clément avait dû à ses connaissances en matière de gravure le choix que l’on fit de lui comme garde des planches du Cabinet du roi et comme directeur de cette grande publication. Il ne suit pas de là toutefois qu’il fût complètement en mesure d’apporter dans ses nouvelles fonctions l’expérience personnelle d’un artiste ou même les principes arrêtés, la doctrine d’un amateur fortement convaincu. Si le zèle avec lequel il accomplit sa tâche ne laisse pas d’être honorable pour sa mémoire, les souvenirs qu’éveille aujourd’hui son nom ont pour cause principale un autre genre de mérite et d’autres services. Attaché depuis sa jeunesse à la section des manuscrits, Clément était avant tout un érudit, un homme voué par état aux travaux sévères de la critique historique ; mais, dans les momens de loisir que lui laissaient ses occupations professionnelles, il demandait aux œuvres de la gravure un délassement d’autant mieux approprié à son caractère et à ses goûts que cet « amusement, » comme il disait, lui offrait encore une occasion d’étude, et d’une étude à laquelle l’art avait au fond moins de part que la science même.

Dans les estampes dont Clément avait rempli ses portefeuilles, les preuves de talent en effet n’étaient pas celles qu’il avait le plus à cœur de relever ; la perfection de l’exécution matérielle ne le séduisait pas si bien qu’il consentît à lui donner la prééminence sur le reste. Qu’un portrait fût de la main d’un maître ou qu’il eût été gravé par un médiocre ouvrier, l’essentiel à ses yeux consistait dans l’authenticité de l’image, sinon même dans le nom du personnage représenté. De là, au point de vue de la chronologie ou de l’histoire, l’intérêt et l’utilité de la vaste collection qu’il avait entreprise, mais de là aussi des inégalités ou des contrastes qu’un écrivain contemporain, Desallier d’Argenville, condamnait avec raison en parlant des recueils de même sorte que d’autres curieux pourraient à l’avenir être tentés de former. « Il faudrait, disait-il, éviter dans ces recueils de faire ce que faisaient MM. de Gaignières, Clément et Lottier, qui, plutôt en historiens qu’en vrais connaisseurs, mettaient parmi de belles estampes les morceaux les plus communs, jusqu’aux