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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/85

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almanachs. On voyait dans leurs recueils de portraits ceux de Larmessin et de Montcornet mêlés avec les portraits de Nanteuil et d’Edelinck. Ils ne se donnaient pas même la peine de s’informer si la personne qu’avait gravée Larmessin ou Montcornet n’était pas gravée par une meilleure main ; il suffisait qu’ils l’eussent dans leurs recueils sans s’embarrasser du choix. C’est ce que je leur ai souvent reproché[1]. »

Clément méritait le reproche, il est vrai, mais n’aurait-il pas mérité aussi qu’on lui tînt au moins quelque compte de ses longs efforts pour rassembler toutes ces estampes, bonnes ou mauvaises, et de la libéralité avec laquelle il voulut que la Bibliothèque en prît possession après lui ? Parmi les 18,000 portraits qu’il laissa, combien d’ailleurs n’en pourrait-on pas citer que recommandent la beauté du travail, la rareté de la pièce même ou la condition particulière de l’épreuve ! Enfin n’eût-elle, eu d’autre résultat, n’eût-elle rendu d’autre service que celui d’ouvrir à la Bibliothèque cette série toute spéciale de documens qui devait jusqu’à nos jours se continuer et s’enrichir sans interruption, la donation Clément garderait encore des droits à la reconnaissance de tous et la valeur d’un utile exemple.

La collection de portraits léguée par Clément à la Bibliothèque fut installée dans cet établissement en 1712. C’était, nous le répétons, la première fois que des pièces de ce genre venaient, à titre de renseignemens historiques, y figurer à côté des spécimens de l’art proprement dit ; mais avant que cet ensemble d’estampes réunies dans un dessein tout scientifique appartînt à la Bibliothèque, la propriété avait été assurée à celle-ci d’une collection plus précieuse encore au point de vue de l’histoire et plus importante par le nombre comme par la variété des documens recueillis. Au commencement de l’année qui précéda celle où mourut Clément, par un acte authentique en date du 19 février 1711, un autre curieux faisait « don entre-vifs et irrévocable au roi… de tous les manuscrits au nombre de plus de 2,000… de tous les livres, tableaux, estampes, curiosités et autres choses généralement quelconques composant dès à présent tous ses cabinets et galeries… pour tout ce que dessus donné appartenir à sa majesté dès à présent et être mis dans sa bibliothèque sitôt le décès du donateur… »

Celui qui prenait ainsi ses précautions pour que le fruit de ses longues recherches fût acquis irrévocablement à son pays, et qui, suivant les termes de l’acte de donation, « aurait été fâché que ses estampes et autres curiosités fussent dispersées après lui, » cet

  1. Mercure de France, juin. 1727.