Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/861

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En dehors des expéditions de guerre qui ont ajouté un nouveau lustre à nos armes, la marine de la restauration a rendu ce signalé service à la France de relever son crédit moral, de faire partout respecter son nom, en plus d’une occasion de le faire bénir. Bien souvent nos vaisseaux ont parcouru le monde sans avoir reçu d’autre mission que d’aller au loin « montrer le pavillon. » Telle était alors l’expression consacrée. On ne pouvait mieux indiquer la nature un peu vague des instructions qu’emportaient aux pays d’outre-mer la plupart de nos capitaines. On ne les expédiait pas à l’étranger uniquement pour qu’ils y fissent parade de nos forces ; on les envoyait aussi à la découverte.

Des lois protectrices avaient cru devoir réserver à notre pavillon l’approvisionnement exclusif du marché français. C’était fort sage sans doute dans les circonstances où nous nous trouvions, mais nous n’étions pas les seuls à nous entourer ainsi de prohibitions et de barrières de douanes. Les autres nations de l’Europe avaient adopté à notre égard des règles non moins sévères. Pour rencontrer à cette époque des cliens en dehors du marché national, il fallait les aller chercher chez des peuples dont l’industrie fût par exception restée stationnaire ; il fallait interroger leurs besoins, pressentir leurs goûts, deviner leurs instincts. Quelques-uns des rapports que nos officiers, à cette heure de réveil, adressèrent au ministre de la marine sont fort remarquables. Il en est qui dépassent la portée d’un simple renseignement commercial ; on leur peut attribuer sans crainte la valeur du plus sérieux document politique. Pour agir avec discernement, les hommes d’état ont, avant tout, besoin d’informations exactes. Le gouvernement de la restauration aimait à se faire renseigner par : sa marine. L’histoire ne dit pas qu’il ait eu à regretter cette confiance.

Outre la Galatée, frégate de 40 canons, la division navale placée sous les ordres du comte de Moncabrié comprenait deux corvettes, l’Aigrette et l’Émulation, commandées, la première par le chevalier de Rigny, la seconde, je l’ai déjà dit, par le lieutenant de vaisseau de La Susse ; deux bricks, le Zéphir et le Faune, dont les capitaines étaient M. de Meslay et M. Dumanoir ; une goélette, la Biche, confiée à M. Maillard de Liscourt. La plupart de ces capitaines ont marqué dans notre marine. Ce n’est pas sans dessein que j’extrais leurs noms des poudreux dossiers qui viennent de passer sous mes yeux. Il est bon de montrer à nos jeunes officiers ces brillantes carrières à leur début ; ils verront comment, même au milieu de la paix la plus profonde, les sujets d’élite peuvent encore se distinguer de la foule. Longtemps avant le combat de Navarin et l’entrée de vive force de nos vaisseaux dans le Tage, le ministre de la marine n’était pas le seul à connaître quels étaient les officiers qui avaient à la