fois le cœur ferme et le coup d’œil juste. Les épreuves de navigations difficiles et de missions délicates avaient également fixé l’opinion publique.
L’audience solennelle du sultan eut lieu dans les premiers jours de juillet. Le 19, le comte de Moncabrié rejoignait, au mouillage de Ténédos, la frégate qui l’y attendait depuis un mois, et presque aussitôt les bâtimens de la station se dispersaient pour aller visiter les îles de l’Archipel, le golfe de Salonique, le port d’Alexandrie et les diverses échelles de l’Asie-Mineure. Le grand marché du Levant était toujours Smyrne. Les tabacs de la Macédoine, les laines de la Thrace, les huiles de Métélin, les soies de Brousse, les fils de chèvre d’Angora, les chevrons d’Iconium et de Satalie, les tapis de Césarée, les cuivres de Tocat, les galles et les grains du Diarbekir, enfin tous les cotons de l’Asie-Mineure, transportés à dos de chameau, venaient remplir les riches magasins de cette ville, tandis que les mêmes caravanes, retournant dans l’intérieur, allaient y répandre les marchandises d’Europe. Le commerce total de Smyrne était évalué à 130 millions de francs : celui qui avait lieu avec la chrétienté atteignait, année moyenne, le chiffre de 70 millions ; c’était la moitié de tout le commerce extérieur de la Turquie. Depuis des siècles, les Turcs n’avaient rien changé à leurs goûts et à leurs habitudes. La France leur portait autrefois des draps, des bonnets, des soieries, des étoffes d’or et d’argent, des galons, quelques articles de modes, très peu de denrées coloniales. C’était des mêmes produits qu’elle devait, en 1816, se flatter de les approvisionner ; mais plus d’un concurrent nous disputait cette utile clientèle. Les habitudes prises pendant la guerre ne contribuaient pas seules à favoriser l’importation des draps de l’Allemagne. Les Turcs se plaignaient d’avoir été trompés par les premiers envois qui leur avaient été faits de nos ports sur la qualité aussi bien que sur l’aunage. Pour rétablir le crédit de nos fabriques du Languedoc, nos officiers, — le chevalier de Rigny entre autres, — jugeaient indispensable de remettre en vigueur l’inspection qui en surveillait jadis avec tant d’efficacité les produits. On espérait ainsi rendre aux négocians de Smyrne la confiance qu’ils avaient perdue et nous donner le moyen de reprendre notre place sur un marché où le chiffre de nos exportations et de nos importations réunies avait dépassé 12 millions de francs.
Immédiatement après le marché de Smyrne venait autrefois celui de Salonique. Cette ville n’avait rien perdu à la guerre qui avait désolé l’Europe ; elle était devenue au contraire, pendant cette funeste période, le centre d’un commerce de transit fort actif. Les cotons de l’Asie-Mineure affluaient alors de Smyrne vers le golfe qui leur ouvrait, par la vallée du Vardar, un chemin comparative-