travaux, et sacrifiant leur temps, leur repos, leur santé, à la recherche de la vérité. L’on se rappelle involontairement ce bel éloge de l’Académie par Bailly[1], telle qu’elle était en 1669, lorsque Dominique Cassini fut appelé en France par Colbert à la sollicitation de Picard. « Dominique Cassini, dit Bailly, trouva l’Académie occupée du dénombrement de nos connaissances. Elle étudiait, examinait les anciens pour juger leurs opinions et leurs travaux, pour décider ce qui méritait d’être conservé et ce qui demandait à être perfectionné ou recommencé. L’illustre Fontenelle nous a conservé le résultat de ces conférences savantes. On croit voir les états-généraux d’une grande nation assemblés pour discuter ses intérêts, s’éclairant par les abus du passé et s’occupant du bonheur de l’avenir. Cette nation, c’était l’espèce humaine, les intérêts discutés étaient ceux de l’esprit humain, l’Académie tenait dans ses mains l’héritage des générations passées et la fortune des générations futures. Dans ces momens de paix ou de repos où la voix du génie peut se faire entendre, dans ces momens de fécondité où plusieurs grands hommes réunis sont capables d’un grand effort, l’Académie disposa tout pour élever l’esprit humain et le placer à une hauteur et à un degré de lumière où l’on n’eût plus à craindre les rechutes de l’ignorance et où l’on pût se passer du mouvement qui manque aux siècles stériles. C’était en effet un renouvellement : les esprits étaient mûris par l’expérience, le génie éclairait la raison, et la raison réglait le génie. » On sent dans ces paroles émues, écrites en 1778, le souffle précurseur de 1789, et Bailly semble pressentir l’avènement d’autres états-généraux plus solennels encore, élus par la nation tout entière pour discuter des problèmes sociaux aussi importans que ceux de la science, et réformer comme l’Académie les erreurs et les abus du passé.
La constituante avait remplacé les états-généraux et travaillait à la régénération de la France. Un système général et uniforme des poids et mesures n’existait pas. Chaque province, chaque ville avait le sien ; de là une confusion inexprimable et un véritable obstacle aux transactions commerciales à l’intérieur et au dehors. L’assemblée, sur la proposition de Talleyrand, nomme une commission composée de Borda, Lagrange, Laplace, Monge et Condorcet, qui dépose son rapport le 19 mars 1791. Sa première conclusion était de prendre pour unité de longueur la dix millionième partie de la distance du pôle à l’équateur, ou d’un quart du méridien terrestre, et de rattacher ainsi le mètre, base de tout le système des poids et mesures, aux dimensions mêmes du globe terrestre. L’idée n’était pas précisément nouvelle. Jacques Cassini, dans son ou-
- ↑ Histoire de l’Astronomie moderne, 1779, t. II, p. 337.