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résistante, et ne manifeste point, comme les cicatrices ordinaires, de tendance à la rétraction[1].

Le nom de greffe épidermique donné à ce procédé n’est pas d’une parfaite exactitude. A vrai dire, les lambeaux dont on se sert en pareil cas ne sont pas constitués seulement par de l’épiderme : on détache, pour les obtenir, l’épiderme muni de la mince couche cellulaire (couche de Malpighi) : sur laquelle il repose directement, et cette condition est nécessaire, parce que les cellules de Malpighi paraissent être le siège de l’élaboration plastique qui détermine l’adhérence de la greffe. Depuis les expériences de M. Reverdin, plusieurs chirurgiens ont essayé de transplanter au lieu de l’épiderme le derme tout entier. M. Ollier a tenté de greffer de larges lambeaux cutanés, comprenant toute l’épaisseur de la peau. Les chances de succès paraissent ici beaucoup moindres, et rien n’autorise encore à considérer la greffe cutanée, proprement dite comme une opération heureuse.


III

Ces greffes, où l’on voit une partie organisée, séparée, pendant un certain temps de l’individu auquel elle appartient, conserver les ressorts de la vie et recouvre ses fonctions lorsqu’on la transplante sur un autre individu, même d’espèce différente, — ces régénérations, où l’on voit des organes détruits repousser avec leurs formes normales et leurs propriétés, des fragmens vivans reproduire un être tout entier, sont des faits de nature à procurer, si on les interroge convenablement des données précieuses sur l’essence même de la vitalité. Ils prouvent qu’elle dépend non point d’un esprit indivisible animant le corps (mens agitans molem), mais d’une activité répartie dans les particules ténues qui le constituent, consubstantielle à ces particules et aussi variable dans ses canatères que celles-ci le sont elles-mêmes dans leur structure. En d’autres termes, la vie totale de l’individu n’est que la somme, la résultante des vies propres à chaque élément anatomique, l’unité harmonique du fonctionnement simultané de myriades de monades, — de monades leibniziennes ; — douées de la vie à des degrés divers, depuis la cellule osseuse, presque inerte et minérale, jusqu’à la cellule nerveuse, où brûle incessamment un feu subtil et ardent.

Chacun de ces corpuscules vivans est un tout complet, possédant au fond les mêmes énergies, les mêmes tendances, les mêmes

  1. On a greffé sur l’homme non-seulement de l’épiderme humain, mais aussi de l’épiderme emprunté à dus animaux. M. Dubrueil a fait dernièrement à ce sujet de curieuses expériences. Il a greffé sur l’homme de la peau de cochon dinde.