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majorité des chambres, remontait plus haut, et révélait son intention de chercher un remède dans l’annexion aux états libres de l’Union américaine.

Cependant le Canada affirmait chaque année davantage son droit à l’autonomie, en prouvant qu’il pouvait payer ses dépenses avec ses ressources propres. Non-seulement l’administration civile et judiciaire n’était plus à la charge de la métropole, mais encore pendant la vice-royauté de lord Elgin le traitement du gouverneur-général commença d’être payé par le budget colonial, qui pourvut aussi à l’entretien des routes et des canaux et aux frais d’organisation de la milice. De longues lignes de chemins de fer furent entreprises avec les ressources locales. La colonie songeait à se défendre elle-même contre ses ennemis extérieurs. L’immense frontière qui la sépare au sud de son puissant voisin est ouverte à toutes les incursions des bandes armées qui s’organisent en liberté dans les états, comme il a paru plus d’une fois. Défendre cette ligne indéfinie avec des troupes régulières était une tâche impossible, même quand l’Angleterre à des momens de panique envoyait 15 ou 18,000 hommes en Amérique. Une bonne organisation de la milice était la meilleure des défenses. Vers 1862, on comptait 35,000 volontaires exercés, habillés et armés presque en entier aux frais du budget. On organisait une école d’officiers de milice dans chacune des garnisons qu’occupaient les régimens de la reine. Québec était protégé par des forts dont la métropole avait fait les frais ; les parlemens provinciaux offraient de fortifier Montréal et d’autres localités à la seule condition que la Grande-Bretagne fournirait l’armement, et garantirait l’emprunt nécessaire pour l’exécution de ces travaux de défense.

À côté des deux Canada, dont la population dépasse 3 millions d’habitans, la Grande-Bretagne possède dans l’Amérique du Nord d’autres provinces de moindre importance : le Nouveau-Brunswick (300,000 habitans), qui n’est séparé de l’état du Maine que par une frontière fictive, théâtre d’empiétemens et de discussions ; la Nouvelle-Ecosse (375,000 habitans), dont les ports, Halifax et Sidney, sont les principales stations navales de ces parages ; l’île du Prince-Édouard (93,000 habitans), qui produit du grain en quantités considérables ; l’île de Terre-Neuve (145,000 habitans), célèbre par ses pêcheries. Chacune de ces provinces donnait le même spectacle d’une lutte incessante entre le représentant de la reine et les assemblées électives, avec les inconvéniens plus graves qui surgissent au sein de petits gouvernemens, où l’intérêt particulier d’une coterie prend aisément le dessus. N’y avait-il pas avantage à réunir ces 4 millions de citoyens anglais sous une règle commune ? L’ancien parti français, qui est encore en majorité dans le Bas-Canada, avait