Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cessé depuis longtemps de se montrer hostile à la domination anglaise. Il y avait plus d’unité dans ces provinces que la diversité des origines ne l’eût fait supposer. Jusqu’à la nature du sol, tout conseillait une union effective entre elles : l’ouest produit des céréales en abondance, la région du centre est industrieuse et riche en produits métallurgiques ; les ports qui mettent cette portion du continent en relation avec le reste du monde sont situés sur la côte orientale. Sir Edmond Head, gouverneur-général, de 1854 à 1861, par là le premier de former une confédération qui donnerait aux possessions anglaises plus de cohésion en regard de la grande Union américaine ; mais le cabinet britannique préférait que le projet sortît de l’initiative des colons plutôt que de sembler leur être imposé. Quelques années plus tard eut lieu à Québec une réunion des délégués des provinces où les bases de la fusion furent discutées et arrêtées. En 1867, l’entente était complète entre le Canada, la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-Brunswick. Le bill soumis au parlement britannique ne fit que confirmer l’existence de la Dominion of Canada, dont les législatures provinciales avaient arrêté les conditions. L’île du Prince-Édouârd et Terre-Neuve restaient pour le moment en dehors de cet arrangement, parce que l’une et l’autre ont leur avenir engagé par la mauvaise politique du temps passé.

L’île du Prince-Edouard n’a pris ce nom qu’il y a soixante ans en l’honneur du duc de Kent, père de la reine Victoria, qui s’en était fait le patron. Après la guerre de sept ans, le territoire avait été partagé en soixante-six lots, distribués, sous la condition d’une redevance annuelle de 2 à 6 shillings par 100 arpens, à des officiers de l’armée anglaise qui n’habitaient pas l’île, et sous-louaient leurs domaines en détail à des agriculteurs par baux de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ans au taux d’environ 1 shilling l’arpent. Vu la longueur des baux, ces derniers se considérèrent comme les vrais propriétaires, et prétendirent s’affranchir du paiement des fermages. Il est de fait que l’absentéisme des premiers concessionnaires était préjudiciable à la prospérité de la colonie. Quelques-uns, qui ne payaient pas exactement leurs redevances, furent expropriés au profit des tenanciers, d’autres ont vendu leurs droits au gouvernement ; mais il reste encore un tiers de la surface arable entre les mains de propriétaires étrangers. Les colons prétendent que le gouvernement impérial, auteur des concessions primitives, est tenu de les racheter, — qu’en attendant ils ne doivent pas payer tous les frais de leur administration civile. En effet, le traitement du lieutenant-gouverneur est encore à la charge de la métropole. L’île ne veut pas entrer dans la Dominion avant d’être affranchie de la redevance que ses habitans paient à des étrangers. Quant à Terre-Neuve, la difficulté est