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déclarer la province de la Rivière-Orange partie intégrante du domaine britannique. Peut-être quelques-uns des Boërs souscrivirent-ils à cette annexion, qui leur garantissait la tranquillité ; mais il paraît plus probable que la majorité ne s’y voulut pas soumettre. En fait le duc de Newcastle, ministre des colonies en 1853, répugnait à étendre sans nécessité la surface des possessions anglaises ; après s’être assuré que cette nouvelle conquête ne pourrait être maintenue que par la force des armes, il prévint le gouverneur du Cap que la reine renonçait à tout droit de souveraineté sur la province de la Rivière-Orange. Les deux jeunes républiques continuèrent de lutter contre leurs sauvages voisins ; peu à peu, ceux-ci reculaient devant des adversaires mieux armés et mieux organisés : on pouvait prévoir déjà qu’ils n’auraient bientôt plus d’autre ressource que d’émigrer en masse vers les régions presque désertes au nord des établissemens européens.

Le gouvernement anglais se sentait d’autant moins enclin à s’étendre vers le nord que sa frontière orientale était le théâtre de luttes incessantes contre les Cafres. Les dépenses militaires atteignirent souvent le chiffre de 1 million sterling par an, ce qui devenait une charge exorbitante pour le budget de la métropole. Toutefois il y avait de ce côté un intérêt d’avenir assez évident, car la Cafrerie indépendante s’interposait entre le Cap et Natal. Après bien des années de guerre, les Anglais s’annexèrent la Cafrerie, qui avait encore pour eux l’avantage d’être une province maritime, les tenaient tant à être maîtres du littoral que, lorsque le président de la république de Transvaal fit connaître en 1868 l’intention d’occuper les bords de la mer au nord de Natal, le gouverneur-général du Cap, appuyé par son gouvernement, déclara s’opposer à cette extension de territoire. Dans cette Afrique méridionale, où il y a encore place pour tout le monde, il est en vérité fort étrange d’interdire à un peuple d’origine hollandaise l’accès de la mer : les Boërs sont faibles et les Anglais sont puissans ; aussi l’affaire n’eut-elle pas suite.

On a dit plus haut comment le cabinet britannique avait définitivement laissé la république de la Rivière-Orange à elle-même après avoir tenté un moment de la transformer en province tributaire. Un événement imprévu vint rappeler l’attention de ce côté ; ce fut en 1867 la découverte de diamans dans les territoires situés au confluent du Vaal et de l’Orange, sur le domaine des Griquas, qui imploraient dix ans auparavant la protection des Anglais contre les envahissemens des Boërs. Quoique les districts diamantifères soient à 1,200 kilomètres de la ville du Cap, la population européenne y accourut en foule. En septembre 1870, il y avait là 5,000 Anglais ; en juillet 1871, il y en eut 30,000. Ces nouveau-venus s’y