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installaient comme chez eux avec l’esprit d’organisation qui leur est propre. Les premiers arrivés constituèrent, à défaut de gouvernement, une société de défense mutuelle et maintinrent l’ordre avec assez de succès ; puis le gouverneur du Cap y envoya un délégué, que les mineurs reconnurent pour leur chef malgré l’opposition des Boërs. Les Griquas étaient enchantés de se voir ainsi soustraits à la domination des Hollandais, leurs anciens ennemis. Ces derniers protestèrent, mais en vain. Ils firent mine de repousser les intrus par la force ; on leur fit voir qu’ils n’étaient pas les plus forts. Ils proposèrent de soumettre le litige à l’arbitrage d’un souverain européen ; on leur répondit qu’ils étaient d’anciens sujets de la couronne d’Angleterre, et que la reine ne pouvait admettre d’arbitre étranger entre eux et ses sujets actuels. L’affaire en est là. Nous voyons bien de quel côté est la force ; nous ne voyons pas aussi bien, au milieu d’assertions contradictoires, de quel côté est le bon droit.

On le comprend, dans une période de transition remplie par les guerres des Cafres, par les querelles avec les Boërs et par la découverte des mines de diamans, les états de l’Afrique méridionale n’ont guère eu le temps de songer à leur organisation politique. Il semble admis au Cap aussi bien qu’en Angleterre que l’établissement du régime représentatif n’est plus qu’une question de temps. En attendant l’instant favorable, les habitans s’abstiennent de toucher à leurs institutions actuelles. Leur budget est à peu près en équilibre ; la dette publique est modérée, car elle ne monte pas à deux années du revenu. On parle déjà de créer dans ces contrées une vaste fédération dont les deux républiques de Transvaal et d’Orange seraient partie intégrante. On compte que les Boërs ne refuseront pas d’entrer dans une confédération libre qui leur offrira les débouchés dont ils ont besoin, la tranquillité dont ils ont souvent manqué, paraît-il, depuis l’époque de leur sécession, et l’autonomie provinciale qu’ils ont été chercher au-delà de la Rivière-Orange ; mais qu’en pensent les deux républiques ? il n’y a peut-être pas d’état au monde qui soit moins connu en Europe ; il n’y en a pas non plus qui soit plus complètement à la discrétion de l’Angleterre.

Trois fédérations autonomes, qui ne se relieraient à la mère-patrie que par la force de l’habitude et des souvenirs affectueux, la première dans l’Amérique du Nord, la seconde en Australie, la troisième dans l’Afrique méridionale, tel est l’avenir assez évident des possessions anglaises dont il a été question jusqu’ici. On s’explique que les Anglais veulent y voir trois groupes analogues aux États-Unis, moins l’aigreur qu’une séparation violente a laissée chez ceux-ci. Les pays dont il s’agit dans ce qui va suivre appartiennent à un autre ordre d’idées ; ce sont les stations navales ou