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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/189

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passagèrement dispersées et obscurcies, beautés de haut parage et talens du tiers-état avides de se produire, tous réunis dans un sentiment de regret ou d’espérance, s’empressaient à recueillir les bruits et les récits qui leur parlaient de la grande ville.

Pour donner quelque satisfaction aux amis lointains de sa gloire, Paris, dont le génie inventif ne dort jamais, imagina, vers le temps du cardinal de Fleury, d’envoyer hors barrières, en feuilles manuscrites, les nouvelles à la main qui circulaient dans ses cafés. Plusieurs recueils de ces journaux primitifs existent à la Bibliothèque nationale, et tout le monde sait qu’une copie du fameux registre de Mme Doublet, expédiée chaque samedi par le valet de chambre secrétaire, allait trouver aux quatre coins du royaume une clientèle assurée de souscripteurs ; mais avant cette innovation, premier essor d’une liberté qui pressentait l’avenir, lorsqu’un régime ombrageux fermait l’espace aux feuilles volantes, que devenait dans cette détresse la curiosité des admirateurs de Paris, réduite aux faibles ressources de la correspondance privée ? L’exemple suivant nous montrera comment une persévérance ingénieuse réussissait à féconder les moyens d’information les plus stériles, par quels miracles de volonté on pouvait multiplier, renouer sans cesse les liens délicats qui rattachaient les absens à la mère-patrie. Que sont en effet ces lettres inédites dont le recueil, connu à peine de quelques érudits, va nous occuper ? Un essai de correspondance régulière entre une Parisienne, qui s’ennuie en province, et ses nombreux amis, qui s’amusent à Paris, — essai languissant d’abord, pendant les dernières années de Louis XIV, soutenu bientôt par un zèle réciproque au moment où Paris, délivré de la vieillesse d’un maître, se rajeunit et se transfigure dans la crise d’une régence presque révolutionnaire. Quel déplaisir d’avoir dit adieu à cette ville plus que jamais incomparable, qui sort d’une longue servitude avec la fièvre de toutes les libertés, avec l’audace et le prestige de tous les scandales ! Si l’on pouvait du moins en ressaisir l’image et se ranimer à l’ardeur de son vivant esprit !

Avant de pénétrer dans l’élégante familiarité de ce commerce mêlé d’épanchemens intimes et d’informations historiques, causerie où se révèlent les secrets du foyer, les intrigues du monde et parfois même les mystères de l’état, faisons connaître la personne distinguée à laquelle s’adressèrent pendant vingt ans des témoignages d’amitié qui, rangés par ordre, forment aujourd’hui huit volumes manuscrits. Cette gracieuse jeune fille, née sur les bords de la Seine, transplantée dans sa fleur en pays bas-normand pour y épouser un marquis plaideur et campagnard, a su intéresser à sa solitude une élite de correspondans où se rassemblaient les contrastes les plus marqués de l’âge, de la situation et du caractère. Il