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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre 1871.

Ces heures d’hiver où finit une triste année serrent le cœur et l’esprit. On revoit involontairement d’un coup d’œil tout ce que peut contenir d’épreuves une si courte période du temps. À pareil jour, il y a un an, la France épuisait, les rigueurs de la fortune ennemie. L’étranger foulait nos champs dévastés sous les pieds de ses chevaux et de ses légions, touchant par ses armées à l’Océan et aux Alpes, dépassant la Loire dans ses incursions. Nos généraux et nos soldats improvisés se battaient encore vers Le Mans, à Bapaume ou à Villersexel, s’efforçant de remplacer leurs aînés de Sedan, de Strasbourg et de Metz, captifs en Allemagne. Les démagogues de Lyon et de Marseille criaient et faisaient des comités de salut public, c’était leur manière de chasser l’ennemi. Le pays éperdu regardait avec angoisse arriver sur lui la tempête de feu et de fer que rien ne semblait pouvoir conjurer, il commençait à se défier de ces victoires qu’on lui promettait sans cesse dans des bulletins retentissans, et qui se changeaient invariablement en défaites. Paris résistait toujours, investi, serré, inexpugnable dans ses murs, et malgré tout ce qu’on a fait pour effacer l’honneur du premier siège, c’est un temps qu’il ne faut pas oublier. Paris seul, abandonné, ne communiquant avec le monde que par les airs, Paris résistait, cruellement éprouvé déjà, souffrant du bombardement, des approches redoutables de la faim, du froid qui sévissait, et ceux qui souffraient le plus, ce n’étaient pas les agitateurs bruyans, les instigateurs de la lutte à outrance et des sorties en masse ; c’étaient tous ces humbles et pauvres êtres des cités désolées, les femmes et les enfans, qu’on voyait quelquefois sous une atmosphère glacée, les pieds dans la neige et dans la boue, attendant des heures entières une maigre ration. On n’était pas précisément « régénéré et antique, » comme le disait M. Gambetta dans son langage amphigourique ; on était résolu et calme, on bravait sans affectation la souffrance et le péril, on s’étourdissait un peu et on attendait. Qu’allait-il arriver