Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les opérations considérables dont quelques hommes entreprenans soutenus par le comptoir d’escompte de Saigon assument aujourd’hui la responsabilité intéressent vivement l’esprit public. Si le résultat répond aux espérances que tout porte à concevoir, la culture nouvelle gagnera rapidement du terrain. Les agriculteurs de nos colonies sucrières prodiguent depuis longtemps leurs efforts sur un sol trop souvent appauvri, mal sans remède en raison du peu d’étendue des terres à mettre en exploitation ; beaucoup d’entre eux n’hésiteraient plus sans doute à venir apporter en Cochinchine leurs capitaux et leur expérience des cultures industrielles. Les plantations de café et de poivre, les productions telles que l’indigo et les matières textiles, qui n’exigent pas, comme la culture et la manipulation de la canne, une première mise de fonds considérable, offrent un large champ à l’initiative des cultivateurs, aux établissemens plus restreints ; le développement de ce genre de travaux aurait l’heureux effet de répandre dans l’intérieur l’élément européen et d’affirmer aux yeux des indigènes la valeur de nos moyens d’action. L’Annamite se groupera sans peine autour de ces petits centres d’exploitation, plus à portée de ses facultés que les vastes entreprises ; témoin de nos succès, ne comprendra-t-il pas les avantages de ce travail de grand rapport, transformé devant lui en riches produits d’exportation ? N’est-il pas permis d’espérer qu’un jour, comme les Indes hollandaises, la Cochinchine arrive à de subvenir dans une large mesure aux besoins de la métropole ?

On a parlé, dans les temps d’infortune que nous venons de traverser, d’abandonner aux vainqueurs notre colonie naissante. C’eût été pour la France une immense perte, et cependant l’esprit public n’en eût pas compris la grandeur. On connaît peu la Cochinchine, elle n’a d’autre histoire que celle de la conquête, et c’est à peine si quelques statistiques ont donné une idée de l’étonnante fertilité de son sol. Au lendemain de tant d’épreuves, la vérité doit se faire jour. Travailler sans relâche, accroître nos productions, nous créer des ressources nouvelles, telle est aujourd’hui la loi qui nous est faite ; elle s’impose à tous les cœurs vaillans qui n’ont pas désespéré comme le seul moyen de relever nos ruines, d’effacer nos désastres. La Cochinchine est ouverte aux hommes d’initiative et d’intelligence ; elle peut avec leur concours contribuer puissamment à l’œuvre de réparation.


Saigon, septembre 1871.