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pour promulguer et interpréter sa loi donne les garanties essentielles de toute liberté sociale, tandis que l’infaillibilité des pouvoirs humains expose à toutes les servitudes. Si peu de part que prenne l’homme, en vertu d’un droit qui lui serait propre, dans la détermination des principes qui constituent l’ordre spirituel, et l’autorité de ces principes sera amoindrie… Ou bien, à raison de l’incompétence des pouvoirs civils en matière morale, il faudra renoncer à rien réprimer, et ce sera la licence, ou bien il faudra réprimer au nom de la majorité et de sa seule autorité, et ce sera l’arbitraire. » Ainsi, c’est entendu, les laïques et la société civile qu’ils constituent sont incompétens en fait de morale. Il s’ensuit qu’ils ne peuvent ni décréter le droit, ni punir le crime sans les lumières et le contrôle du chef infaillible de l’église. Le pape est donc bien effectivement le souverain des peuples et des rois, et tous doivent lui obéir. C’est la pure doctrine du Syllabus. Il ne faut point s’étonner qu’on l’enseigne à Louvain, puisqu’elle est devenue un dogme.

Au moyen âge, dans sa lutte mémorable avec l’empire, la papauté n’a pas réussi à faire reconnaître sa souveraineté universelle. Aujourd’hui, dans les pays catholiques, elle a toute chance d’y arriver, sans violence, simplement, en tirant un parti habile des libertés qu’elle anathématise. Si le clergé, au moyen du confessionnal, parvient à faire nommer aux fonctions électives les hommes de son choix, il se rend maître de tous les pouvoirs, et par son intermédiaire c’est vraiment le pape qui gouverne, ainsi que le veut M. Périn. En Belgique, le but est presque atteint. Les électeurs de l’opinion catholique obéissent aux ordres des curés, les curés aux ordres des évêques, et les évêques aux ordres du pape. Les représentans catholiques ne sont ainsi que les délégués de l’épiscopat, et le primat de Belgique, l’archevêque de Malines, est le vrai souverain, puisqu’il peut faire agir à son gré la majorité du parlement, qui fait les lois, désigne les ministres et gouverne.

L’épiscopat n’usera point immédiatement de sa puissance pour établir le régime politique que Rome considère comme seul légitime. Les évêques, surtout celui de Malines, M. Dechamps, sont habiles et prudens. Ils savent qu’en abusant de leur pouvoir ils pourraient provoquer dans le pays une réaction en faveur de leurs adversaires. En outre le nombre des hommes politiques qui, quoique appartenant à leur opinion, sont plutôt conservateurs que sectaires, est encore assez considérable pour qu’il faille tenir compte de leur répugnance contre toute mesure extrême. Le ministère actuel est composé d’hommes de cette nuance. Ils se garderont de pousser les libéraux à bout, et au besoin ils résisteront aux exigences excessives du clergé ; mais ces hommes encore imbus