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d’une époque nouvelle. » Que voulait-elle ? Le respect de la dignité humaine, la liberté du commerce et du travail, l’établissement de rapports constans et faciles entre les citoyens d’une même patrie, la liberté de conscience et de pensée. Or ce sont ces mêmes principes qui avaient soulevé l’Allemagne contre l’église catholique, la Hollande contre l’Espagne, l’Angleterre contre les Stuarts, et l’Amérique contre l’Angleterre. Ainsi tout ce qu’il y a de bon dans la révolution française vient de la réforme ; tout ce qu’il y a de mauvais lui appartient en propre. Confondant les moyens révolutionnaires avec les théories de la révolution, il fait le procès de celle-ci, sans s’apercevoir que toutes ses attaques retombent aussi bien sur la réforme elle-même, et en général sur toutes les époques de l’histoire. C’est ainsi que la révolution, suivant l’historien allemand, mit « le vol des propriétés à la place de la liberté économique, » comme si la sécularisation des biens ecclésiastiques par les princes protestans eût été un hommage rendu au droit de propriété. Il nous dit qu’à la justice elle avait substitué la persécution des hautes classes, comme si la persécution des catholiques n’eût pas été partout, au XVIe siècle, la conséquence du triomphe de la réforme. « Elle a annihilé le pouvoir gouvernemental, » comme si l’anarchie n’eût pas été partout le caractère du XVIe siècle et d’une partie du XVIIe. « Il n’y eut d’autre autorité pendant deux années en France que celle de la force brutale, » comme si la raison et l’humanité eussent régné en Allemagne pendant l’affreuse guerre de trente ans.

A ces accusations, qui peuvent si facilement être rétorquées contre le mouvement protestant du XVIe siècle, s’en ajoutent d’autres, qui confondent l’esprit, tant elles se retournent d’elles-mêmes contre la politique prussienne, dont l’auteur est naturellement l’intrépide défenseur. « La révolution, dit-il, a détruit la moralité politique des peuples, et introduit en Europe l’esprit de conquête. » Ainsi le partage de la Pologne et la spoliation de la Silésie sont des modèles de moralité politique, et sont exempts de tout esprit de conquête ! Pour ce qui est du premier événement, que l’auteur a étudié avec le plus grand soin, et qui est l’épisode le plus curieux de son livre, il reconnaît expressément « qu’aucun des partis polonais n’avait été coupable envers la Prusse de la moindre offense. » Il reconnaît que la Prusse a été « agressive » envers la Pologne « dans le sens le plus complet du mot et sans l’ombre d’un droit. » Et cependant l’auteur ajoute avec une sérénité qui encore une fois confond l’esprit que la résolution de s’approprier une province polonaise était la seule qui fût « compatible avec le devoir du gouvernement prussien. » Il peut donc être du devoir du gouvernement prussien de s’approprier ce qui lui convient sans avoir reçu aucune offense et sans l’ombre d’un droit. En professant de telles maximes, on accuse