supériorité de nos armes incontestablement établie, il espéra que la guerre ne viendrait plus transformer en champs de bataille ces sites délicieux, cette fraîche et ravissante nature, qui semblaient ne devoir servir de cadre qu’aux plus douces scènes de paix et de tranquille bonheur. Il aimait sincèrement l’ennemi qu’il venait de combattre, race douce et vaillante, intelligente et naïve, que le climat a pu amollir sans l’énerver, et qui sait passer joyeusement des plus faciles plaisirs aux plus sanglans combats. Une trêve tacite s’était établie à la suite de nos succès. Le gouverneur l’avait acceptée avec satisfaction ; nos adversaires ne négligèrent rien pour en amener la rupture.
Deux mois environ après le combat de Mahahena, la reine Pomaré fit un nouvel appel à l’insurrection. Elle adressa un message à ses sujets, les engageant à prendre patience et leur annonçant de prochains secours. A quelques jours de là en effet, on vit apparaître devant Papeïti la frégate anglaise la Thalia, commandée par le capitaine Hope. Cette frégate, qui venait de l’Inde et en dernier lieu de Sydney, n’entra pas dans le port ; mais le lendemain un navire à vapeur, la Salamandre, sous les ordres du capitaine Hamond, y jetait l’ancre. Le gouverneur fut instruit à l’instant par les principaux chefs rattachés à notre cause de l’agitation qu’excitait dans toute l’île l’apparition de ces bâtimens anglais. Les insurgés, renforcés par les habitans de Morea, se préparaient à marcher sur Papeïti. Le gouverneur résolut de les prévenir, et, à la tête de 400 hommes, il se porta sur-le-champ à leur rencontre. Pendant qu’il chassait les Indiens de tous les points où ils s’étaient embusqués, et les obligeait à se retirer dans la montagne, la ville qu’il avait dégarnie de troupes était sérieusement menacée. Fort inquiet des intelligences que l’ennemi pouvait posséder dans la place, le commandant de Papeïti crut nécessaire de faire arrêter M. Pritchard, l’instigateur avéré de tous les complots. L’incident à Taïti parut sans portée. Il devait soulever en Europe un formidable orage.
Le gouverneur était rentré à Papeïti et y avait ramené la confiance. Conduit à bord du navire de guerre anglais qui se trouvait sur rade, M. Pritchard n’avait pas tardé à s’éloigner. La reine avait imité son exemple, et les Anglais l’avaient débarquée à Raiatea. Les indigènes se trouvaient ainsi livrés à eux-mêmes au moment où les ordres de la métropole prescrivaient au gouverneur de rétablir le protectorat dans ses conditions premières. Nous eussions vivement désiré ramener la reine Pomaré à Taïti ; c’eût été la meilleure sanction de la paix. Malheureusement la reine, séquestrée à Raiatea par les missionnaires, se montra insensible à toutes les avances qui lui furent faites, elle refusa même de recevoir une lettre