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héritier faible et dégénéré que l’on nomme Louis le Débonnaire, après lequel et au partage célèbre de Verdun, qui consacra la séparation de la Germanie et de la Gaule, il fut tantôt joint au royaume de Germanie, tantôt réuni au royaume de France. Par l’empire et par Charlemagne, qui en fut la gloire, autant que par le christianisme, qui en fut la garantie, l’Allemagne entra dans la civilisation européenne, dont à son tour elle devint le boulevard contre de nouveaux barbares qui se pressaient à la frontière orientale. L’Allemagne, dans sa gratitude envers la race glorieuse des Carlovingiens, à qui elle devait tant d’honneur et de bienfaits, lui garda l’obéissance tant que la race eut des héritiers à lui donner. Il se produisit alors un spectacle remarquable, celui du respect germanique pour le sang du grand empereur si peu respecté par ses descendans eux-mêmes. Quand elle n’eut plus de ses héritiers légitimes, elle prit ses bâtards, et, à défaut de ceux-ci, les prétendans à l’empire se prévalurent de leur affinité par les femmes avec le sang carlovingien. La maison de Saxe trouva dans cette qualité son titre le plus décisif, et le premier Conrad de Franconie était issu aussi de Charlemagne par les femmes. La lignée mâle des Karolings étant éteinte au-delà du Rhin, la libre Allemagne prit une résolution qu’elle a gardée pendant mille ans, et dont elle ne s’est départie que sous le canon des Zollern. L’élection devint la loi invariable de la couronne impériale.

Ce système auquel l’Allemagne s’est montrée si longtemps attachée avait, il faut le reconnaître, des inconvéniens à côté de sérieux avantages. La sincérité du suffrage électoral fut souvent corrompue. L’intrigue agita plus d’une fois le collège des électeurs ; de graves désordres, tels que celui du grand interrègne, en résultèrent. L’ingérence étrangère altéra fréquemment le sentiment d’un grand et patriotique devoir chez les dépositaires du suffrage, et, le droit de déposition étant corrélatif au droit d’élection, on eut des anticésars comme on eut des antipapes. On pourrait ajouter d’autres objections de moindre importance. Toutefois on ne peut méconnaître les effets salutaires que ce nouveau droit public germanique a produits. L’hérédité n’est pas, hélas ! une garantie contre les révolutions. Quant à l’éligibilité, elle offrait l’avantage d’écarter de la couronne les princes vicieux ou incapables[1], comme on en avait trop vu chez les descendans de Charlemagne. Ce système fit tomber la couronne de la tête indigne de Venceslas. Il attisa d’ardentes rivalités, mais il entretint la vie politique et perpétua les

  1. Voyez Schulze, De jurisdict, princip, germanic, in imperatorem exercita. Iéna 1857, in-8o.